"Vaccination : le sensationnalisme ne sera jamais bon conseiller"

Le lancement des campagnes de vaccination a fait naître l'espoir de mettre fin à la pandémie de la COVID-19, mais a également créé de nouveaux défis pour les journalistes, qui doivent lutter contre la désinformation. Nous avons interrogé Ronny Suárez, rédacteur en chef adjoint au service santé de "El Tiempo", le plus grand quotidien colombien.

Ronny Suárez, rédacteur en chef adjoint au service santé de El Tiempo, le plus grand quotidien colombien, bénéficie de plus de dix ans d'expériences dans la publication d'informations dans le secteur de la santé.

Comment décririez-vous la couverture médiatique actuelle des programmes de vaccination ?

"Je pense que les journalistes apprennent constamment. Nous sommes confrontés à une situation sans précédent avec des développements scientifiques également sans précédent. Nous apprenons donc comment cela fonctionne au niveau technique, les implications du virus au niveau social, les meilleures façons de transmettre cette information accablante et quotidienne.

Nous savons que les enjeux sont élevés, non seulement pour notre profession, mais aussi pour la société et pour la vie des êtres humains. Nous sommes donc à un moment crucial pour ceux d'entre nous qui suivent de près la politique de vaccination et la couverture pandémique."

Cette pandémie a obligé les journalistes non spécialistes à couvrir la question des vaccins. Quelles sont vos principales recommandations pour aborder ce sujet ?

"La première chose à faire est d'obtenir un avis d'expert de haut niveau à qui on peut poser toutes les questions et qui peut accompagner le processus, presque à plein temps. Les journalistes qui participent à cette couverture doivent également comprendre les implications de ce qui est dit, c'est-à-dire comprendre le potentiel de l'information qu'ils vont publier et la façon dont elle peut impacter la population.

Une autre recommandation est de lire, lire et lire autant que possible pour comprendre le contexte le plus largement possible. Comme nous le savons tous, le journalisme contextuel est beaucoup plus utile, plus apprécié et valorisé par le public."

Nous assistons à une vaste campagne de désinformation sur le vaccin. Comment les journalistes peuvent-ils combattre la désinformation tout en scrutant le travail des sociétés pharmaceutiques ?

"Idéalement, ils doivent se tourner vers de solides sources d'information. Dans un exercice journalistique aussi rigoureux et nécessitant de l'expertise, il est essentiel de choisir ses sources avec beaucoup de soin et, bien évidemment, de toujours vérifier ce qui s'y trouve et de douter de ce que l'on lit. Je pense qu'une bonne recommandation peut aussi être de travailler en équipe, pas uniquement avec des personnes de son propre média, mais également avec des journalistes d'autres médias, pour créer un réseau de collaboration entre personnes qui couvrent le même sujet. Cela aide beaucoup lorsqu'il s'agit de décrypter les rapports qui sont de plus en plus techniques."

Quels conseils pouvez-vous donner aux journalistes pour éviter le sensationnalisme dans la couverture vaccinale ? Selon vous, quelles sont les sources les plus précises et les plus fiables ?

"Tout d'abord, l'importance du journalisme dans la société doit être soulignée jusqu'à l'épuisement. Quand les journalistes comprendront à quel point leur rôle est essentiel dans la société, ils seront davantage responsables de ce qu'ils publient, car il ne s'agit pas seulement de cliquer sur une information, mais de la rendre intelligible.

Il existe des exemples clairs de ce qui peut arriver en cas de mauvaise gestion de l'information. En Colombie, par exemple, nous avons été confrontés à une situation difficile dans le cadre de la couverture qui a été faite de la vaccination contre le papillomavirus humain à Carmen-de-Bolívar, une municipalité située dans le nord du pays, où certaines réactions présumées contre le vaccin ont fait chuter les taux de vaccination entre 90% et 85%, en raison de la peur qui s'est créée autour d'un événement qui s'est avéré par la suite être des réactions sans rapport avec les propriétés du vaccin. Tout ce que nous disons a des conséquences.

Par conséquent, le sensationnalisme ne sera jamais bon conseiller. Pour un clic mal gagné, nous allons perdre notre crédibilité, et il n'y a rien de pire. 

Les grands magazines scientifiques publient des informations de qualité et il est utile de suivre ce qu'ils annoncent sur les réseaux sociaux. De plus, il faut veiller à suivre de près les associations scientifiques, puisque les plus importantes émettent des communications sur les avancées scientifiques, et bien sûr il faut s'entourer d'experts et suivre les médias qui traitent correctement toutes ces questions."

Pour son travail durant la pandémie, M. Suárez a remporté la bourse Rosalynn-Carter qui récompense le journalisme sur la santé mentale, bourse décernée par la Fondation Gabriel-García-Márquez. Elle oeuvre pour le nouveau journalisme ibéro-américain, visant à rendre visible l'état de santé mentale des travailleurs de la santé colombiens, en première ligne face à la COVID-19.

For more information, please contact IFJ on +32 2 235 22 16

The IFJ represents more than 600,000 journalists in 146 countries

Follow the IFJ on TwitterFacebook and Instagram

Subscribe to IFJ News