Démission de l’AGJPB: déclaration de la Fédération internationale des journalistes

Bruxelles, le 28 septembre 2023, La Fédération internationale des journalistes (FIJ), représentant 600.000 journalistes dans 146 pays du monde et voix de la profession auprès des Nations Unies, prend acte et regrette la démission de son affiliée belge, l’AGJPB - l’Association générale des journalistes professionnels de Belgique -, dans une lettre envoyée à la Présidente et au Secrétaire général de la FIJ le 25 septembre. L’AGJPB regroupe l’AJP, l’Association des journalistes professionnels francophones et germanophones, et de la VVJ, Vlaamse Vereniging van Journalisten néerlandophone.

Credit: IFJ

La FIJ regrette que le communiqué de presse de l’AGJPB ait été repris parfois in extenso par quelques médias belges, qui n’ont jamais cherché à donner un droit de réplique à la FIJ afin de « rechercher la vérité », comme le prévoit pourtant l’article 1 du Code de déontologie journalistique belge francophone et germanophone.

Si elle avait été contactée, la FIJ aurait pu partager des éléments d’information clairs et précis sur les accusations de l’AGJPB et surtout sur la « gouvernance de la FIJ, son absence de transparence, son leadership, sa gestion ».

Si elle avait été contactée, la FIJ aurait pu mettre à la disposition de ses confrères et consœurs belges une copie d’un long courrier envoyé à la direction de l’AGJPB le 28 avril, répondant, déjà à l’époque, point par point à toutes ces accusations. Ce courrier n’a non seulement reçu aucun accusé de réception, mais la direction de l’AGJPB n’a jamais daigné répondre aux propositions de la FIJ, comme celle de rencontrer les élus belges de l’association de journalistes afin de répondre à leurs questions, comme elle le fait avec ses 186 autres affiliés nationaux. 

Si elle avait été contactée, enfin, la FIJ aurait pu expliquer que le débat fait partie de son ADN, et ce depuis sa création à Paris en 1926, en plus de la solidarité internationale, qui fait de notre organisation professionnelle mondiale, indépendante financièrement et politiquement, l’interlocutrice privilégiée de l’Unesco, du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, de l’Organisation internationale du travail ou du Conseil de l’Europe.

Mais pour débattre, il faut être au moins deux, et la direction de l’AGJPB a choisi délibérément le monologue, ce qui pose un certain nombre de questions venant de l’organisation qui représente les journalistes en Belgique dans toutes les instances et dans de nombreux médias belges dans le cadre du dialogue social. Ce communiqué accusatoire pose d’autant plus question que la Secrétaire nationale de l’AGJPB préside également l’Association pour l'autorégulation de la déontologie journalistique (AALD), l'association fondatrice du Conseil de déontologie journalistique (CDJ).

« NON-RESPECT DE LA LÉGISLATION »

Concernant les faits évoqués dans le communiqué de presse du 25 septembre, la Secrétaire nationale de l’AGJPB avait déjà écrit à la FIJ le 18 avril 2023 quelques heures avant l’Assemblée générale annuelle de la FIJ affirmant que « l’AGA était illégale ». Ceci est réécrit dans le communiqué : « Non-respect de la législation : la FIJ, ASBL internationale de droit belge, reste en défaut de respecter le Code belge des Sociétés et Associations (CSA), en ce qu’elle n’octroie le droit de vote à ses membres qu’aux Congrès (tous les 3 ans) et non aux assemblées générales annuelles. Ce non-respect des droits fondamentaux des membres a notamment pour conséquence que le contrôle démocratique ne peut s’exercer sur le Comité exécutif de la FIJ, ses actions et sa gestion. »  

En avril, la direction élue et le Secrétariat général de la FIJ avaient demandé à leur avocat à Bruxelles, qui est aussi celui de l’AJP, d’envoyer ses conseils juridiques.

Dans une longue note écrite, l’avocat est formel et contredit la Secrétaire nationale de l’AGJPB : « Le nouveau Code des Sociétés et des Associations [CSA] est effectivement entré en vigueur en Belgique en 2021. Il prévoit que trois ans plus tard, donc pour le 1er janvier 2024, les statuts de toutes les associations et sociétés belges soient en conformité avec ses dispositions. Concrètement, cela implique de passer en revue l’ensemble des dispositions de chacune des associations et sociétés (il n’a jamais vraiment existé de statuts type) pour les confronter, point par point, aux nouvelles dispositions. Le travail – pour les notaires – s’avère donc fastidieux et est contrecarré, depuis des mois par d’autres travaux, plus pressants et plus rémunérateurs. 

Le Code des Sociétés et des Associations (CSA) prévoit des « mentions obligatoires » (par exemple le fait que la convocation des AG doit avoir lieu 15 jours à l’avance et non plus à 8 jours) et des « mentions impératives ». Le problème c’est qu’il n’existe aucune liste claire de ces règles, ni dans le CSA, ni dans la loi qui a instauré le CSA. »

« Différentes associations ont dressé des listes mais qui sont non exhaustives et basées notamment sur l’exposé des motifs de la loi du 23 mars 2019 (introduisant le CSA), sur la doctrine existante, etc. Ainsi, par exemple, sur la liste réalisée par l’Institut des Réviseurs d’Entreprises, les deux seules obligations « impératives » relatives aux aisbl sont (art. 10.6 : convocation de l’AG à la demande d’un cinquième des membres) et (art. 10.11 al.1 : validation par le ministre d’une donation excédant 100 000 euros). Ce qui n’est pas étonnant car, dans le CSA, les dispositions légales impliquants spécifiquement les aisbl sont extrêmement succinctes : 11 articles, tous brefs (le plus long, cité ci-après, a été rajouté par la suite). » 

La FIJ avait donc la réponse à la question de l’AGJPB, mais pour être certains, deux autres questions plus précises lui ont été posées :

  1. « Le processus de l’AG annuelle tel qu'il est organisé actuellement, conformément à l'article 29 des Statuts, est-il illégal, comme l’affirme la Secrétaire nationale de l’Association belge ? » 

 « L’article 29 précise que « La première réunion de l’année du Comité exécutif est constituée en Assemblée générale annuelle qui approuve les comptes audités et le plan budgétaire. Les membres sont informés de la date de l’Assemblée, au moins quatre mois à l’avance. Pour autant qu’ils ne présentent pas d’arriérés de paiement, ils ont le droit d’y adresser des motions, au moins deux mois avant l’Assemblée et d’y envoyer un observateur. Les observateurs peuvent assister à la réunion par voie numérique. Le compte rendu de la réunion est distribué à toutes les organisations membres. Le Comité exécutif définit le règlement intérieur de la Fédération dont les règles de conformité pour ses responsables, son personnel et la conduite de la Fédération. Ce règlement et ces règles sont à la disposition de toutes les organisations membres ». »

« Aucune des dispositions de l’article 29 de la FIJ ne m’apparaît contraire aux dispositions légales belges. Comme précisé ci-dessus, les délais de convocations sont conformes et la possibilité d’organiser des séances de façon virtuelle et/ou hybride est, du fait des crises, non seulement favorisé mais expressément permis : le CSA a été complété en ce sens par la loi du 20 décembre 2020. » 

  1. « Lors des congrès triennaux de la FIJ, le vote du rapport financier des comptes de la FIJ des trois années précédentes est-il suffisant pour le droit belge? »

« Sur ce plan aussi, ce vote est cohérent par rapport à l’objet social spécifique de l’aisbl, son caractère international et ne fait par ailleurs que conforter les conditions reprises à l’article 29 (qui précise que les comptes sont audités chaque année et approuvés de même par l’AG). Aucune disposition du CSA propre aux aisbl n’impose ou ne s’oppose à cela. »

Il résume alors la question en une phrase, rappelant d’abord l'article 29 des Statuts de la FIJ: « La première réunion de l’année du Comité exécutif est constituée en Assemblée générale annuelle qui approuve les comptes audités et le plan budgétaire. » 

« Je vois mal comment on peut soutenir que ces termes (c'est "l'AG", elle est "annuelle" et elle "approuve" les comptes et le budget) violeraient la loi belge. »

Avec ces conseils juridiques éclairés, la FIJ a donc organisé son AGA « légalement ».

Toujours à propos des Statuts, la Secrétaire nationale de l’AGJPB, qui participe à tous les congrès mondiaux de la FIJ depuis plus de 25 ans et qui connaît donc parfaitement bien les rouages de l’organisation, en tant que déléguée au congrès, aurait pu proposer des amendements aux Statuts dans le cadre du 32e congrès mondial de la FIJ, qui s’est tenu à Mascate (Oman), en juin 2022. Un débat aurait pu avoir lieu en plénière avec l’ensemble de nos délégués. Hélas non, l’AGJPB a préféré écrire quelques heures avant l’AGA prétextant une « réunion illégale ».

Par ailleurs, après le vote d’une de ses motions d’Athènes (avril 2023), la FIJ va mettre en place début octobre un groupe de travail mondial pour que soient réévalués les Statuts, en tant que de besoin, en vue de son congrès mondial de 2026.

« TRANSPARENCE »

A propos de la « gouvernance et de la transparence », évoquées dans le communiqué de l’AGJPB, la gestion quotidienne de notre Fédération mondiale, pilotée par le Secrétariat général à Bruxelles, montre pourtant en 2022 un résultat positif, et ce pour la 7e année consécutive, malgré les crises économiques mondiales qui ont fortement touché nos syndicats, et l’importante inflation en Belgique, à laquelle la FIJ n’a pas échappé.

Lors de ce 32e congrès mondial, tous les rapports, incluant le rapport financier du Trésorier honoraire, celui de la Commission des finances indépendante et celui du Secrétaire général, ont été adoptés à l’unanimité par les congressistes, y compris par l’AGJPB.

Quant au manque de transparence, la FIJ n’a jamais reçu de questions de la part de l’Association belge. Comme c’est le cas pour tous nos affiliés, le Secrétariat général répond à toutes les questions de ses membres et n’en élude aucune. L’AGJPB, via sa Secrétaire nationale notamment, a accès à tous les documents de travail de la FIJ, tous les rapports des Comités administratifs, exécutifs et de congrès dans la partie « membres » du site de la FIJ.

Dans son courrier du 28 avril, la FIJ a alors reposé la question à l’AGJPB : « Quelles sont les informations que l’Association belge souhaite connaître et que la FIJ ne lui aurait pas données ? »

Toujours du point de vue de la « transparence », conformément au droit belge, l’AISBL « FIJ » dépose ses comptes audités tous les ans et chaque rapport d’audit mentionne expressément que les comptes de la FIJ sont conformes aux normes financières belges. 

Pour montrer toute sa « transparence », la FIJ a donc proposé aux membres de la direction de l’Association belge que le Secrétaire général les rencontre à Bruxelles et mette à leur disposition les documents qu’ils demanderaient. Mais cette proposition est restée lettre morte.

FEJ

Concernant la Fédération européenne des journalistes (FEJ), l’un des cinq groupes régionaux de la FIJ, contrairement à ce qui a été publié, il n’a jamais été mis fin au contrat annuel entre les deux AISBL, mais les termes financiers ont dû évoluer compte tenu de la sortie de la FIJ de quatre syndicats nordiques et de la perte brutale de leurs cotisations. La Secrétaire nationale de l’AGJPB est aussi la trésorière de la FEJ et elle est bien placée pour savoir que le contrat entre la FIJ et la FEJ sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Comité directeur de la FEJ, en octobre. Le communiqué précise aussi que la situation financière de la FEJ « est en péril », ce que ne montrent pourtant pas les derniers rapports audités de notre organisation régionale, pourtant validés par la Secrétaire nationale de l’AGJPB/Trésorière de la FEJ.

Il convient de noter que tous les bureaux régionaux de la FIJ – Sydney, Dakar et Buenos Aires – ont également subi l’impact financier. Indépendante, la FIJ ne fonctionne qu’avec les cotisations de ses membres et ne reçoit aucune subvention publique ou privée.

Enfin, la question de la gouvernance doit aussi être abordée sur le plan fédéral : parmi les 3126 adhérents déclarés par l’AGJPB en 2023, combien d’entre eux ont été informés de cette décision « historique » prise par le Conseil fédéral de l’Association et combien y ont pris part ? Avec quel débat contradictoire ?

Alors que la FIJ prépare son Congrès du Centenaire, qui se tiendra en mai 2026 à Paris, sa longue histoire est parsemée de victoires syndicales, d’acquis sociaux pour les journalistes, de négociations de Conventions internationales auprès des Nations Unies, mais aussi de crises internes, qui se sont toutes résolues. 

Avec ou sans l’AGJPB, la FIJ poursuivra ses missions de développement syndical au Yémen, au Sri Lanka, en Tanzanie, dans les Balkans, en Colombie ou en Côte d’Ivoire ; continuera à aider les journalistes afghans en exil en Asie du Sud et les journalistes ukrainiens dans les centres de solidarité qu’elle a mis en place avec l’Unesco ; défendra la liberté de la presse en Biélorussie, en Tunisie, en Arménie, en Turquie, au Pérou, à Hong Kong, en Serbie, au Mexique ou aux Philippines ; continuera à piloter la procédure devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, après les assassinats de journalistes palestiniens ; et se battra encore pour qu’une Convention internationale pour la protection et la sécurité des journalistes soit adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies afin de mettre fin à l’impunité des crimes commis contre les journalistes et les travailleurs des médias.

L’Association belge est indépendante et libre de rejoindre ou de quitter les organisations qu’elle souhaite, mais la FIJ continuera à soutenir tous les journalistes et les travailleurs des médias, partout dans le monde, y compris en Belgique, et affirme une fois encore qu’elle reste ouverte au dialogue avec tous ses membres... en toute transparence

For more information, please contact IFJ on +32 2 235 22 16

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