Afghanistan : "Il y a un sentiment de colère à l'idée que tant de journalistes soient abandonné.e.s"

Alors que les troupes américaines s'apprêtent à évacuer l'Afghanistan le 31 août, la FIJ et ses affiliés continuent d’apporter un soutien aux journalistes et à leurs familles sur le terrain et de les aider à quitter le pays. Jeremy Dear, le secrétaire général adjoint de la FIJ qui a coordonné la réponse d'urgence face à la situation en Afghanistan, nous parle des dernières tentatives d'évacuation de nos collègues, de la formidable solidarité entre les journalistes du monde entier ainsi que du sentiment d'impuissance qui règne parfois.

Image d'une manifestation organisée par le Comité de solidarité avec l'Afghanistan à Karachi, le 24 août 2021. Crédits: RIZWAN TABASSUM / AFP

Avec l'équipe et les affiliés de la FIJ sur le terrain, vous avez aidé nos collègues afghans à se mettre à l'abri ou à quitter le pays. Quel est le sentiment général à la FIJ en ce moment ?

J.D : Il y a un sentiment de colère parce que tant de journalistes et de défenseurs des droits humains sont abandonnés au cours du processus d'évacuation. Mais aussi un sentiment de détermination à travailler aussi dur que possible pour obtenir plus de visas et faire prendre l'avion à davantage de personnes en danger. Un sentiment d'impuissance parfois également quand nous voyons et entendons le désespoir de nos collègues. Mais un sentiment de fierté incroyable devant la mobilisation dont font preuve les syndicats de journalistes pour aider nos collègues. Toutes ces émotions se mêlent.

Plus de 100 000 personnes ont été évacuées d'Afghanistan depuis le 14 août. Combien de journalistes et leurs familles la FIJ a-t-elle pu aider jusqu'à présent ?

J.D : Il n'est pas possible, dans ce chaos, de faire un décompte précis des personnes aidées, mais la réalité est que sans les efforts de la FIJ et de ses affiliés dans de nombreux pays, beaucoup plus de journalistes seraient piégé.e.s en Afghanistan. Il ne s'agit pas seulement de ceux que nous avons aidé.e.s à quitter le pays, mais aussi de l'assistance fournie par nos syndicats sur le terrain en Afghanistan, car la plupart des journalistes n'auront pas la possibilité de partir ou ne veulent pas partir. Nous ne devons pas les oublier et contribuer à développer des moyens de soutenir leur lutte pour la liberté et les droits des médias sous le régime des talibans.

Une fois les journalistes évacués vers un pays étranger, que leur arrive-t-il ?

J.D : Cela dépend. Certain.e.s ont des visas, ont été évacué.e.s dans le cadre d'un programme de réinstallation et peuvent commencer à refaire leur vie. Beaucoup d'autres viennent de sortir et entament maintenant le processus de demande de visa ou de droit de séjour dans d'autres pays. L'évacuation n'est pas la fin mais le début d'un nouveau processus. C'est pourquoi il est toujours important que nos affiliés demandent à leurs gouvernements de délivrer davantage de visas afin que nous puissions aider celles et ceux qui ont un refuge temporaire à se réinstaller quelque part. C'est à ce moment-là que nous devons réfléchir à la manière de fournir la nourriture, le logement, les frais de subsistance.

Avec les terribles attaques terroristes qui ont eu lieu le 26 août, quel est notre message aux collègues qui tentent de fuir le pays ?

J.D : Ecouter les conseils sur le terrain et rester en sécurité. Mais c'est facile à dire depuis le confort de l'Europe occidentale. Les messages que je reçois jour et nuit par e-mail et par WhatsApp témoignent du désespoir et de la peur que beaucoup ressentent. Ils et elles sont prêt.e.s à tout risquer pour s'échapper. Malgré les attaques, il y a encore quelques vols d'évacuation finale et notre priorité pour les 36 prochaines heures est d'amener autant de personnes que possible sur ces vols.

Le 31 août, les troupes américaines cesseront de sécuriser l'aéroport. Les talibans affirment que ceux qui veulent partir peuvent encore le faire. Les journalistes prendront-ils ce risque ?

J.D : Après le 31 août, nous entrerons dans une nouvelle phase. Certaines frontières terrestres vont rouvrir, certains vols commerciaux vont reprendre et il y aura toujours des journalistes qui chercheront à partir. Nous devons être prêts à aider ceux et celles que nous pouvons.

La FIJ a récolté plus de 33 000 euros via son fonds de sécurité jusqu'à présent. Comment cet argent est-il utilisé ?

J.D : C’est une récolte incroyable, composée de centaines de dons de journalistes individuels et de branches syndicales. Les dons continuent d'affluer. Les fonds sont destinés à aider nos affiliés en Afghanistan et au Pakistan à assurer la sécurité et le soutien des personnes déplacées à l'intérieur du pays, sans travail ou ayant besoin d'une aide d'urgence. Nous négocions avec les gouvernements afin d'obtenir davantage de fonds pour gérer des maisons sécurisées. Certaines des personnes qui ont fui ont pu se rendre dans un pays, mais ont par la suite besoin d'aide pour se rendre dans un pays pour lequel elles ont un visa. Ces cas sont aussi examinés. Pour l'instant, il s'agit d'une aide humanitaire d'urgence, mais il y aura des besoins permanents pendant de nombreux mois et années. Nous développons donc une stratégie d'aide à plus long terme.

La FIJ a créé un fonds de solidarité spécial pour l'Afghanistan au sein du fonds de sécurité de la FIJ afin d’offrir un soutien supplémentaire et d'inciter ceux qui le peuvent à faire un don. Tous les fonds collectés serviront directement à apporter un soutien aux collègues afghans.

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