Raby Simporé: "il est temps de quitter le carcan des femmes trésorières ou responsables de la mobilisation féminine"

Raby Simporé est journaliste et membre du bureau de l’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB). Elle est également formatrice en genre et médias. En 2018 , elle créée une « cellule genre » au sein de l’AJB. Retour sur son parcours de militante et la place des femmes dans les médias et syndicats burkinabés.

Raby Simporé

Pourquoi vous être affiliée à l’AJB ?

Mon parcours syndical remonte au lycée et à l’université où j’ai milité au sein de l’Union générale des Etudiants Burkinabé (UGEB) et dans le Mouvement Burkinabé des Droits de l’homme et des Peuples (MBDHP). Donc, naturellement et logiquement, quand je suis arrivée dans le journalisme en 2012, je me suis tournée vers le syndicalisme dans le milieu de la presse, notamment à l’AJB, où je suis membre du bureau national, et au Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) où je suis militante. C’est une conviction pour moi et je souhaite soutenir la liberté de la presse, contribuer à préserver les intérêts des travailleurs des médias, exprimer mon opinion, défendre la prise en compte du genre dans les instances du syndicat et de l’Association, et améliorer l’égalité hommes-femmes dans les média au Burkina Faso.

Quelle est la situation des femmes dans les médias de votre pays ?

Au Burkina Faso, à l’instar d’autres pays africains, la situation de la femme d’une manière générale n’est guère reluisante. Le contexte socioculturel relègue les femmes au second plan de la société, et cela s’applique dans tous les domaines,. Les médias ne sont pas épargnés.  Alors que le travail de collecte et de traitement de l’information est dévolu à tout journaliste sans distinction de sexe, on a tendance à attribuer des sujets relevant du social aux femmes tandis que les sujets  liés à la politique et l’économie sont la chasse gardée des hommes. Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans le métier. Pourtant, elles font l’objet de discriminations. Selon une étude commanditée par le Centre national de presse Norbert Zongo en 2016 sur la « Place et l’image des femmes dans les médias au Burkina Faso », le constat est alarmant. Sur 1030 journalistes travaillant dans les 140 médias concernés, on enregistre, 75% d’hommes et 25% de femmes. Seuls 13 médias sont dirigés par des femmes, soit 9,28 % et 7 femmes seulement occupent le poste de rédacteur en chef, soit 5 %. Et si la télévision est le média le plus féminisé, on ne trouve aucune femme à la tête d’une chaîne de télévision.

Comment l’AJB prend-elle en compte l’égalité homme femme ?

Dans nos activités et nos formations nous conservons une place importante aux femmes. Au niveau de notre bureau de 5 membres en revanche, il n’y a qu’une seule femme. Cela est difficile à comprendre. C’est en partie pour régler cette question qu’au niveau de l’AJB, nous avons créé une Cellule Genre. Et l’objectif est de miser sur le congrès à venir pour obtenir la parité ou une majorité de femmes.

Parlez-nous de cette cellule…

Nous sommes partis du constat que très peu de femmes dans le milieu du journalisme s’engagent dans le syndicalisme. Pire encore, elles acceptent de subir le sexisme dans les différentes rédactions. Tout en étant très présentes dans le monde des médias, elles sont mises à l’écart des postes décisionnels. L’Association ne disposant pas de politique pour la promotion du genre et de l’égalité hommes-femmes dans les médias, nous avons décidé, à l’issue de deux formations sur l’égalité et la sécurité des femmes journalistes avec l’appui du syndicat des journalistes Norvégiens, de créer une cellule genre en janvier 2018. Elle compte actuellement  une cinquantaine de membres, toutes des femmes issues du monde des médias. L’objectif  est de lutter pour mieux se positionner dans les syndicats et dans l’Association d’une part et d’autre part, de lutter pour l’égalité et la prise en compte du genre dans les instances de décisions des médias.

La mobilisation de toutes  les femmes concernées est encore faible, mais le travail de sensibilisation et de conscientisation que nous menons devrait porter ses fruits.

Comment fonctionne la cellule ?

Elle est dotée d’un bureau de cinq membres. Nous avons tenu une Assemblée Générale le 1er février 2019 au cours de laquelle nous avons adopté  un programme d’activité pour l’année en cours. En 2018, nous avions déjà entamé une tournée des différents organes de presse pour rencontrer les patrons et les femmes journalistes et respectivement plaider pour la cause des consœurs et pour les sensibiliser sur leurs droits et devoirs et la nécessité pour elles de s’engager dans le syndicat. Cette année,  nous comptons poursuivre cette activité. Nous allons également rendre visite à d’autres associations de femmes telles que l’Association des femmes juristes du Burkina, et le caucus genre de notre parlement pour leur demander un appui dans notre travail. Nous envisageons en outre d’organiser des formations sur le leadership féminin, et sur l’engagement des femmes dans le syndicalisme.  Et dans quelques semaines nous lancerons  un sondage sur le harcèlement des femmes journalistes. Cela nous permettra de disposer de données plus claires pour nous  guider dans nos futures actions.

Au Burkina Faso, nous avons une panoplie de textes législatifs qui prônent l’égalité homme-femme mais qui ne sont pas appliqués. Nous devons lancer des campagnes de  plaidoyers auprès de nos dirigeants pour l’application de ces textes

Les prochains défis ? Voir des femmes occuper les postes de présidente, de secrétaire générale des associations, des réseaux, des syndicats de journalistes et de quitter le carcan des postes de trésorière ou « chargée de la mobilisation féminine ».

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