La FIJ Condamne une Campagne d’Intimidation Publique Contre la Correspondante de RFI au Sénégal

La Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), qui représente près de 500 000 journalistes dans le monde, a condamné aujourd’hui le harcèlement exercé contre Sophie Malibeaux, envoyée spéciale permanente de Radio France Internationale (RFI) à Dakar (Sénégal) et la multiplication des atteintes à la liberté de la presse au Sénégal.

Sophie Malibeaux a été interpellée le 7 octobre 2003 à Ziguinchor (Sud Sénégal), où elle se trouvait pour couvrir les assises du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC), un mouvement scissionniste. Elle a été conduite manu militari à Dakar par vol spécial. Retenue pendant des heures dans les locaux du Ministère de l´Intérieur, la correspondante de RFI s’est vue notifiér un arrêté d´expulsion du territoire national pour "nécessité d´ordre public", dont l’exécution a été différée.

Selon un communiqué du Ministère de l’Intérieur diffusé le 7 octobre, « il est reproché à l’intéressée d’avoir tenté de saboter le processus de paix entrepris par le gouvernement du Sénégal, à travers un traitement tendancieux de la question Casamançaise à l’occasion des assises du MFDC tenues à Ziguinchor (…) ». Ces propos ont été repris par le Directeur de cabinet du Ministre à la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS) le 7 octobre au soir.

« Cette campagne publique, menée par un Ministre en exercice, est absolument inacceptable » a déclaré Aidan White, Secrétaire Général de la FIJ. « Les menaces directes portées contre la journalistes de RFI ne font que renforcer une campagne de déstabilisation et d’intimidation flagrante, menée contre un correspondant étranger, pour masquer un réel travail journalistique» a t-il ajouté.

La FIJ rejoint les organisations professionnelles au Sénégal, qui considèrent que la correspondante de RFI n´a commis aucun manquement à la déontologie journalistique dans la couverture des assises du MFDC. La FIJ se joint à leur appel exigeant que cette affaire soit définitivement close (voir le lien ci-dessous) et dénonce également avec la dernière énergie le traitement humiliant et dégradant qui a été réservé à Sophie Malibeaux.

« L’Affaire Malibeaux est lourde de menaces pour les journalistes de la région, si l’on veut bien considérer l’escalade des coups récemment portés contre la liberté d’expression. Le Sénégal dispose encore de lois liberticides, dont les autorités n’avaient jusqu’à présent fait usage, mais qui mettent désormais les journalistes en liberté provisoire » a déclaré White.

Le Procureur Général près la Cour d’Appel de Dakar a en effet publié un communiqué le 12 septembre 2003 (repris ci dessous) dans lequel il rappelle les dispositions du code pénal détaillant les délits de presse, et les sanctions pénales correspondantes. Il cite notamment l’Article 255 du Code pénal qui attribue une peine « d’emprisonnement d’un à trois ans et une amende de 100 000 à 1 500 000 francs » pour toute « diffusion (…) de nouvelles fausses (…) lorsque qu’[elle] aura (…) porté atteinte au moral de la population, ou jeté le discrédit sur les institutions publiques ou leur fonctionnement » (voir le texte de l’article ci-dessous).

Le Procureur omet par contre de citer un autre article du Code de Procédure pénal (Article 139) qui précise que « sur réquisition écrite du Ministère Public le juge d’instruction est tenu de décerner mandat de dépôt » contre toute personne inculpée sur la base de l’article 255 et cette personne ne peut être remise en liberté si le même ministère public s’y oppose. L’application stricte des deux articles oblige donc le juge à mettre et garder en prison un journaliste sur simple requête écrite du Ministère Public.

La FIJ demande le retrait immédiat de ces dispositions du Code pénal et du Code de Procédure Pénal et appelle les autorités sénégalaises à mettre un terme immédiatement, et avec la plus grande fermeté, aux attaques répétées contre les journalistes et contre la liberté de la presse.

Pour plus d’informations :
+322 235 22 00

Voir également

Affaire Malibeaux: Appel Conjoint de l'APES, le SYNPICS, l'UJAO et la FIJ

Communiqué Du Procureur Général Près La Cour d'Appel de Dakar