Malaisie: condamnation de Clare Rewcastle Brown à deux ans de prison

Clare Rewcastle Brown, reporter basée à Londres, a été condamnée par contumace à deux ans de prison après avoir été reconnue coupable de diffamation criminelle contre une membre de la famille royale malaisienne durant son enquête sur le scandale de corruption de plusieurs milliards de dollars d’1MDB. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) condamne la peine frappant la journaliste et appelle les autorités malaisiennes à annuler immédiatement la décision punitive.

British journalist Clare Rewcastle Brown speaks during an interview in Kuala Lumpur on May 20, 2018. Credit: Mohd Rafsan / AFP

Dans un verdict surprise rendu le 7 février, Rewcastle Brown, la fondatrice et éditrice du média en ligne Sarawak Report, a été reconnue coupable, par le Tribunal de première instance de Kuala Terengganu, de diffamation à l'égard de la Sultanah de Terengganu, Sultanah Nur Zahirah, en vertu de l'article 500 du Code pénal malaisien.

Le magistrat Nik Mohd Tarmizie Nik Mohd Shukri a trouvé que le livre de Rewcastle Brown, « The Sarawak Report – The Inside Story of the 1MDB Exposé », publié en 2018, contenait des accusations contre la Sultanah qui constituaient une diffamation. Contestant le contenu d'un seul paragraphe, Sultanah Nur Zahirah a tout d'abord demandé 100 millions de ringgit (24 000 dollars américains) de dommages et intérêts de chaque défendeur, dont les éditeurs du livre GB Gerakbudaya Enterprise Sdn Bhd, Chong Ton Sin, et l'imprimeur Vinlin Press Sdn Bhd.

L'enquête de Rewcastle Brown, l'un des plus grands scandales de corruption au monde, concernait le détournement de 4,6 milliards de dollars américains du fonds souverain malaisien, 1Malaysia Development Berhad (1MDB), révélant que son fondateur, l'ancien Premier ministre malaisien Najib Razak, avait détourné des fonds destinés à des projets de développement économique vers un compte bancaire personnel. Cette affaire de kleptocratie impliquait aussi plusieurs célébrités de haut profil et a vu les premières accusations criminelles déposées contre la société Goldman Sachs de Wall Street.

Rewcastle Brown a expliqué à Malaysiakini qu'elle n'était pas au courant du procès et qu'elle n'avait pas eu l'occasion de se défendre à l'audience. Son avocat, Guok Ngek Seong, a dit qu'il avait reçu des instructions pour faire appel devant la Haute Cour de Malaisie, du fait que le magistrat n'a informé ni elle ni ses avocats, en violation de l'article 425A (1) du Code de procédure pénale.

S'adressant à la BBC, Brown a déclaré : « J'ai peur que cela soit malveillant, que ce soit politiquement motivé. Et je le vois comme une vengeance contre mon journalisme d'intérêt public ». Le verdict intervient quelques jours seulement après que la condamnation à douze ans de prison à l'encontre de l'ancien Premier ministre Najib pour son rôle dans 1MDB a été réduite de moitié. 

L'affaire de diffamation a été initialement classée « sans suite » en 2018 mais a ensuite été relancée par les autorités malaisiennes en mars 2021, une décision que Rewcastle Brown a qualifié d'« abus de pouvoir et d'influence flagrants en Malaisie ». Rewcastle Brown avait précédemment informé les autorités malaisiennes qu'elle n'a aucune intention d'aller en Malaisie, soulignant que la « diffamation criminelle » n'est pas un crime en Angleterre.

La FIJ a dit : « Le verdict punitif dans l'affaire pénale de diffamation contre Clare Rewcastle Brown est une tentative flagrante des autorités malaisiennes de réprimer les reportages critiques et le journalisme d'investigation, pourtant essentiel. Les journalistes devraient être autorisés à faire des reportages sans répercussions sur des questions d'intérêt public, et ce jugement représente une grave menace à la liberté de presse. La FIJ appelle à l'annulation immédiate de toutes les accusations portées contre Rewcastle Brown et appelle le gouvernement malaisien à arrêter de recourir à des tactiques de harcèlement et d'intimidation à l'égard des journalistes et des lanceurs d'alerte. »

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