#DontTroll testimonies : Florence Hainaut (Belgique)

Florence Hainaut est une journaliste belge travaillant aujourd'hui en freelance. Figure célèbre du petit écran belge, elle a été victime de cyber harcèlement. Elle raconte ce qu'elle a vécu et comment elle continue sa lutte, aujourd'hui, contre le harcèlement en ligne des femmes.

Florence Hainaut (crédit photo : Florence Hainaut)

" Le tout premier harcèlement dont je me souviens, c’était en 2008.

Je présentais des journaux radio, un auditeur s’est pris pour moi d’une passion malsaine qui a viré à la haine. Il contactait entre autres des collègues chez qui il pensait sentir le même genre de sentiments. Je leur ai demandé de le bloquer. L’un a refusé : « ça me fait rire ». Une autre m’a demandé pourquoi, à la base, je lui avais répondu sur Facebook. Le service juridique de l’entreprise pour laquelle je travaillais m’a dit que c’était via mon compte privé et qu’il ne pouvait rien faire. Le type était de plus en plus inquiétant, j’avais peur. A l’époque je me levais à 2h30 du matin pour aller bosser. Pendant plusieurs semaines, je suis sortie de chez moi avec un couteau. Pas une seconde je n’ai pensé à porter plainte. Par contre j’avais appris une leçon essentielle : quand ça t’arrive, tu es seule

Les harcèlements, que je n’identifiais pas comme tels à l’époque, sont devenus mon quotidien. J’ai fini par intégrer que ça faisait partie de la fonction. « Mais pourquoi tu es si active sur les réseaux sociaux ? », me demandaient des gens qui n’oseraient pourtant jamais suggérer qu’une fille en mini-jupe a un tout petit peu cherché à être violée.

Il y a quelques années, j’ai intégré l’équipe d’une émission politique et je me suis fait plein, mais plein de nouveaux copains. Pas des copines, des copains. 99% des insultes que j’ai reçues proviennent d’hommes. « Suceuse de bites, greluche, pot de fleur, actrice porno du midi, virago ». Parfois, sur Twitter, je répondais, mais ma hiérarchie est plusieurs fois intervenue pour que j’arrête. J’aurais aimé que l’un des co-présentateurs, ou ne fut-ce qu’une.e collègue, ou des confrères/soeurs prennent publiquement ma défense, mais non. Certains s’en sont même amusés. On m’a gentiment conseillé de « ne pas faire attention ». Deux ans après l’arrêt de cette émission, et ma démission de l’entreprise, je me fais encore insulter pour avoir fait des interviews de politiques que je n’ai pourtant jamais faites.

Ça n’est que récemment que j’ai compris à quel point ce harcèlement était systémique. L’Agora est une affaire d’hommes. J’étais beaucoup moins insultée quand je travaillais dans une émission de consommation, que je « tenais mon rang ». Ils sont nombreux à m’avoir pourtant laissé des pistes de réflexion, à l’époque, en me disant qu’il fallait « me remettre à ma place ».

Ma place, je l’ai finalement abandonnée. A la base, pas parce que j’étais harcelée. Mais a posteriori, je réalise que ça a participé à un ras-le-bol général. Aujourd’hui je suis freelance, je ne fais plus d’antenne et je suis en train de travailler sur ce sujet fascinant que sont les insultes à caractère misogynes sur Internet."

Merci à elle d'avoir témoigné # !DONTTROLL

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