Le massacre d'Ampatuan : Cinq ans après

La Fédération internationale des journalistes se joint à son affilié, le Syndicat national des journalistes des Philippines (NUJP), pour publier le rapport Le massacre d'Ampatuan : cinq ans après. Le rapport expose les résultats de la Mission internationale de solidarité aux Philippines effectuée en novembre de l'année dernière, date de commémoration du massacre d'Ampatuan, perpétré en 2009. À ce jour, pas un seul des auteurs du massacre n'a été condamné et au moins quatre témoins ont été tués alors que l'audience des 193 suspects est prévue pour durée plusieurs années. Jane Worthington, directrice intérimaire de la FIJ, a déclaré : « Le 23 novembre 2009, les Philippines ont donné la plus terrible définition du mot impunité. Le massacre de 58 personnes - dont 32 journalistes - dans un acte politique d'une "violence sans précédent" qui s'est déroulé dans le Sud de Mindanao fut, et reste, le plus meurtrier des attentats dans l'histoire du journalisme. » Aujourd'hui, le rapport Le massacre d'Ampatuan : cinq ans après révèle au grand jour l'horrible culture de l'impunité qui règne aux Philippines et fait part d'une série de recommandations au gouvernement Aquino. Il met aussi en avant des recommandations pour des reformes en matière de justice et de respect de la loi, et appelle à un plus grand soutien international ainsi qu'à un engagement des médias pour la sécurité des journalistes. Il appelle notamment à ce que : - le Président Aquino et son administration condamnent publiquement tous les actes de violence contre les journalistes; - la promulgation de la loi sur la Liberté d'information soit soutenue; - un engagement à fournir un soutien financier aux familles des victimes du massacre d'Ampatuan soit pris; - L'unité spéciale de police Usig établisse des cibles pour l'arrestation et la condamnation des 84 suspects encore en fuite du massacre d'Ampatuan et de l'instigateur des tueries d'Esperat et d'Ortega, et que l'unité spéciale présente un rapport lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 2 mai 2015; - l'on enquête, condamne et établisse des rapports sur les 54 affaires « prioritaires » non-classées désignées par la ministre de la Justice, Leila de Lima, et que les résultats de ces enquêtes soient publiés avant le 2 novembre 2015; - un mécanisme soit mis en place pour assurer un transfert immédiat des affaires dans les zones régionales ou les suspects pourraient influencer les procédures. - l'on adopte des initiatives de protection des journalistes et que des reformes législatives soient mises en œuvre dans des pays comme le Mexique, la Colombie et le Honduras prévoyant que les professionnels des médias soient reconnus comme des groupes « en danger » et à ce que des stratégies de prévention nécessaires soient établies avec les structures régionales et fédérales pour protéger les droits de l'homme; - une étude indépendante soit menée sur le programme de protection des témoins de l'État afin de déterminer son efficacité et d'évaluer l'investissement financier nécessaire pour garantir aux témoins le niveau de sécurité attendu; - un cadre réglementaire soit établi pour les fonctionnaires de la justice afin de rendre les agences plus responsables grâce à un mécanisme adapté d'examen interne, et à ce que la surveillance parlementaire fasse des rapports sur les attaques de journalistes dans un délai spécifié; - la police et l'armée soient entraînées pour assurer leurs responsabilités en matière de sécurité des citoyens, y compris les professionnels des médias. Elles doivent connaitre leurs obligations définies par la résolution 1738 du Conseil de sécurité de l'ONU et encourager la coopération entre les médias et les organes de l'État pour les futures enquêtes sur des attaques de journalistes. Vous pouvez consulter la liste exhaustive des recommandations ici (en anglais). La FIJ, qui représente plus de 600 000 journalistes dans 134 pays, a mené sa première mission aux Philippines à la suite du massacre pour enquêter, en collaboration avec le Syndicat national des journalistes des Philippines, sur les actions gouvernementales menées pour rendre justice aux victimes du massacre. La FIJ a effectué plusieurs missions régulièrement depuis et a présenté des recommandations au Président Aquino. À ce jour, la FIJ n'a toujours reçu aucune communication du dirigeant, qui avait promis de rendre justice aux victimes lors de sa campagne d'élection en 2010. La Mission internationale de solidarité s'est rendue à Mindanao et Manille entre le 18 et le 24 novembre. Dans la ville de Quezon à Mindanao, la mission a rejoint un convoi d'une quinzaine de véhicules se rendant sur le site du massacre la veille de la commémoration et a rencontré les familles des victimes et les membres de la communauté médiatique locale de la province de Maguindanao avant de visiter les sépultures de certaines victimes. À Manille, la Mission a participé à plusieurs réunions avec le bureau du gouvernement, la ministre de la Justice, Leila de Lima et l'unité spéciale de police Usig, qui à la charge d'enquêter sur les tueries de journalistes les plus graves de la nation. Là-bas, la mission a également tenu une conférence de presse où elle a qualifié le pays d' « épicentre de l'impunité », en insistant sur le fait que le nombre de journalistes tués depuis 2009 a maintenant dépassé le nombre de victimes du massacre. Le massacre d'Ampatuan : cinq ans après décrit la situation que les journalistes doivent actuellement affronter aux Philippines et le besoin urgent d'une action multilatérale alors que l'énorme procès des 193 suspects atteint maintenant sa cinquième année de procédure. Le représentant australien, Mike Dobbie, qui a dirigé toutes les missions de la FIJ depuis 2009 a déclaré : « Aux Philippines, la culture de l'impunité est bien enracinée ; elle empêche le bon fonctionnement du pays, accable la société et compromet la démocratie. Cette culture s'est développée sous un système judiciaire défectueux qui n'arrive pas à réunir les ressources nécessaires pour enquêter sur les meurtres et prend beaucoup trop de temps à rendre justice lorsqu'une affaire est enfin portée devant les tribunaux. Par conséquent, cette culture refuse souvent la justice aux victimes de crimes et encourage les auteurs à commettre des actes toujours plus violents. Elle empêche également d'exercer un droit légitime de contrôle des personnes haut placées de la société et entraîne la corruption. Elle muselle les médias et ne leur permet pas de remplir leur devoir. Elle encourage l'auto-censure et crée un climat de peur et d'intimidation. » La présidente du Syndicat national des journalistes des Philippines (NUJP), Rowena Paraan a annoncé : « Il faut rappeler que les meurtres de journalistes aux Philippines ne se sont pas arrêtés après le massacre d'Ampatuan. Au moins 34 journalistes ont été tués depuis. Le défi majeur du NUJP et de la communauté médiatique est de faire figurer la justice pour les victimes du massacre d'Ampatuan tout en haut de l'agenda du gouvernement. Les meurtriers doivent rendre les comptes de leurs crimes. » La directrice du bureau Asie-Pacifique de la FIJ, également directrice de la Mission internationale de solidarité, Jane Worthington a déclaré : « Le gouvernement philippin et le Président Aquino ne peuvent rester plus longtemps les bras croisés face à cette culture de l'impunité qui ravage le pays. Les Philippines ne sont pas les seules à connaître des attaques de journalistes, mais des nations comme la Colombie et le Mexique ont su prendre les mesures adéquates pour résoudre ce problème complexe mais sérieux. Nous pouvons y arriver. » Le rapport a été lancé 62 mois après les massacres et peut être consulté ici (en anglais).

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