Covid-19: un nouveau rapport de la FAJ montre que le virus a profondément infecté les médias

La Fédération des journalistes africains (FAJ), l'organisation panafricaine de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), a publié ce mardi 16 juin un rapport mettant en exergue des tendances inquiétantes pour le secteur des médias après l'épidémie de Covid-19 sur le continent.

«Le journalisme dans l’œil du cyclone de la pandémie» est le résultat d’une enquête menée auprès des membres de la FAJ et à laquelle 20 syndicats ont répondu, représentant 57% des affiliés de l’organisation en Afrique.

Les rapports montrent que les programmes des gouvernements africains pour répondre à l’impact économique de la pandémie ont eu un impact «négatif» sur le secteur des médias et n’ont pas bénéficié du soutien adéquat des professionnels des médias.

Les syndicats pointent en particulier les mesures de quarantaine qui ont empêché les journalistes de faire leur travail, vu qu’elles ne prenaient pas en compte la réalité de la profession. FESYTRAC, du Congo Brazzaville, a déclaré que «le COVID-19 a eu un impact négatif sur le secteur des médias, car les libertés fondamentales, le droit au travail, la libre circulation des personnes et des biens étaient restreints par l'état d'urgence sanitaire, le couvre-feu et le confinement de la population».

Le rapport montre que les gouvernements ont commencé par traiter les journalistes comme des citoyens ordinaires sans reconnaître leurs besoins professionnels. En Somalie, par exemple, le NUSOJ a dû lancer une campagne à part entière pour convaincre le gouvernement fédéral somalien de considérer les journalistes comme des travailleurs-clés. De même, au Maroc, le SNPM a organisé une vigoureuse action de lobbying en faveur des reportages d'intérêt public sur le coronavirus.

Les organisations ayant répondu ont condamné l'inertie des gouvernements à soutenir les travailleurs des médias. Plus de 50% d’entre elles ont déclaré que leur gouvernement n'avait entrepris aucun effort particulier pour atténuer l'impact physique du virus sur les lieux de travail. L'UJT du Tchad a décrit «un plan d'urgence du gouvernement comprenant un soutien aux opérateurs économiques, une assistance sociale aux groupes vulnérables, mais rien dans le secteur de la presse» et selon le SYNAPPCI, de Côte d’Ivoire , «le gouvernement n'a jusqu'à présent rien fait pour le secteur des médias, à part fournir quelques masques ou des équipements pour l’hygiène».

75% des personnes interrogées ont déclaré que les lignes directrices des gouvernements sur la distanciation sociale ont entraîné une refonte majeure des conditions de travail physiques des journalistes, de la réduction de la présence des journalistes dans les rédactions à l'augmentation du télétravail, au changement d'outils employés pour mener des entretiens et au port d'équipements de protection. Le Soudan du Sud était le seul pays où le syndicat des journalistes, l’UJOSS, a soutenu que le gouvernement «n'avait pas suivi les règles et les ordonnances de l'OMS au sujet du Covid-19» et que son seul conseil aux citoyens était de prendre soin d'eux-mêmes sans mesures de quarantaine appropriées, d'où une mauvaise sensibilisation à la pandémie.

Seuls 20% des gouvernements ont spécifiquement abordé la crise des médias d'information. En Côte d'Ivoire, les autorités ont annoncé un fonds de soutien dont les détails restent inconnus. Au Sénégal, le gouvernement a doublé l'aide à la presse de 700 millions de francs CFA à 1,4 milliard et a annoncé un fonds spécial pour soutenir les entreprises et le secteur des médias. Au Togo, le gouvernement a augmenté l'aide à la presse de 50%, de 100 à 150 millions de francs CFA, alloués à 180 organes de presse, huit chaînes de télévision et 56 stations de radio. Le gouvernement kenyan a annoncé la plus forte impulsion à ce jour en allouant 1 million de dollars aux médias communautaires afin de les maintenir à flot.

Le rapport prévient que les journalistes n'ont pas bénéficié de cette aide, sauf au Mozambique et en Angola où des décrets exécutifs garantissent que les journalistes et les professionnels des médias ne perdront pas leur emploi.

Un large éventail d'éditeurs et de médias de grande et moyenne taille ont commencé à mettre en œuvre des plans d'économies qui comprennent des congés payés ou non rémunérés pour un nombre important de membres du personnel et des salaires réduits pour d'autres. Près de 100% des répondants ont décrit cette attaque sur les emplois dans les termes les plus explicites. Djibouti est décrit comme étant le seul pays non affecté, tous les médias appartenant à l’Etat. De nombreux médias ont cessé de publier ou ont réduit leur couverture. Au Tchad, l'UJT rapporte que «l'ensemble de la presse privée, qui représente plus de 90% de l'espace médiatique, subit la crise de plein fouet … De nombreux journaux ne paraissent plus ou paraissent soudainement lorsqu'une occasion d'être imprimés s’offre à eux; d'autres changent même leur format de tabloïd en A4». Au Soudan, les journaux n'existent plus car «21 quotidiens ont été suspendus», rapporte le SUJ.

Dans presque tous les pays, les journalistes freelance ont été exclus de toute négociation et de tout plan, indique le rapport. En Côte d'Ivoire, les freelances sont «seuls», dit le SYNAPCCI et en Ouganda, l’UJU déclare que «de nombreux freelances ont été renvoyés chez eux sans aucun salaire et y sont toujours bloqués, sans argent».

Les syndicats de journalistes ont tenté de répondre à la situation en retardant ou en suspendant leurs activités, en s'impliquant auprès des gouvernements pour assurer la survie du journalisme, en surveillant les conditions de travail de leurs membres et en fournissant des avis et des conseils de sécurité sur toute une série de questions allant de la sécurité à l'éthique et au droit du travail. Dans de nombreux pays, ils ont obtenu et distribué des équipements de prévention tels que des masques faciaux et des désinfectants pour les mains. Au Kenya, le syndicat KUJ a poursuivi deux sociétés de médias en justice pour les forcer à traiter les réductions de salaires qu'elles voulaient imposer comme des dettes que les sociétés devront rembourser quand les choses seront redevenues normales.

Le rapport déplore enfin la paralysie des employeurs des médias en proposant des alternatives pour sauver la presse et appelle les syndicats à montrer la voie en menant des campagnes pour protéger les travailleurs et les emplois du secteur des médias.

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