Algérie : un millier de journalistes privés de salaire, une presse menacée

Plus de 1000 journalistes algériens n'ont pas reçu de salaire depuis un an. Le secteur de la presse en Algérie subit de plein fouet la crise financière et se trouve également confronté à une crise de la formation et du professionnalisme qui nuit gravement à l'éthique journalistique et à la qualité de l’information. La Fédération internationale des journalistes (FIJ), première organisation mondiale de la profession, s’alarme d’une presse en déliquescence et de l'impact de la crise sur les travailleurs des médias. Elle enjoint le gouvernement à réagir immédiatement en mettant en place des mesures concrètes pour soutenir le secteur et l’information.

Crédits: RYAD KRAMDI/ AFP

Dans un communiqué publié le 9 juin 2020, le Conseil national des journalistes algériens décrit une presse ayant atteint son "point de saturation". Le document dresse un sombre bilan de la situation dans les médias algériens. Depuis l'été 2019, de terribles crises ont éclaté au sein des chaînes de télévision privées, conséquences inévitables de l'émergence anarchique de ce type de médias lancés dès 2011 par des opérateurs privés, qui ont investi dans le secteur « sans respecter les critères d'investissement à long terme », dénonce la FIJ.

Selon les informations de la FIJ,  plus de 1000 journalistes et travailleurs des médias n'ont pas reçu de salaire depuis près d'un an et d'autres risquent de perdre leur emploi.

Le 3 juin dernier, la direction du groupe de presse Temps nouveaux a fermé ses portes aux journalistes et aux travailleurs, au motif  de  "l’arrêt du signal de diffusion", sans offre d'indemnisation pour licenciements et sans payer les salaires dus  aux 245 travailleurs.

Lors de son discours d'investiture le 19 décembre 2019, le président algérien Abdel Majid Taboun avait exprimé sa volonté de protéger et soutenir la liberté d'expression et la liberté de la presse. La FIJ pointe cependant l'incarcération de Khaled Drareni, correspondant de TV5 et  fondateur du site internet Casbah Tribune depuis le 29 mars 2020, et les nombreuses intimidations dont ont fait l'objet nombre de journalistes.

Certains sites d'informations restent bloqués et des mesures strictes ont été imposées aux administrateurs de pages d'actualités qui ont dû s’autocensurer. Le journal électronique satirique Al-Manshar a annoncé sa fermeture pour échapper à la répression et les deux sites d'information, Maghreb Émergent et Radio M ont été bloqués.

La FIJ dénonce également la manière « obscure » dont le gouvernement contrôle la publicité publique. L'ambiguïté et l’inégalité dans la distribution de cette publicité aux journaux, malgré les promesses du gouvernement d'adopter des normes transparentes dans leur octroi, ne diffèrent pas des pratiques qui prévalent depuis des années, rappelle la FIJ qui dénonce un "contrôle politique continu des institutions de presse et leur dépendance éditoriale". 

Anthony Bellanger, Secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes, a déclaré :

« Nous espérons que le nouveau gouvernement algérien mettra en pratique les engagements qu'il a pris lors de son investiture et lors du processus de consultations pour réformer le secteur des médias, afin de soutenir l'indépendance de la presse, la sécurité financière et physique des journalistes et éviter toute ingérence politique dans les lignes éditoriales. Le manque d'empressement dans la gestion de la crise de la presse et le vide législatif et organisationnel qui ne respecte pas les normes internationales relatives à la liberté de la presse et à la liberté d'expression semblent indiquer que le gouvernement a pris la décision d'éliminer le secteur de la presse en Algérie ».

 

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