Le rôle du Conseil de Presse dans la Promotion de l’Indépendance Editoriale - Table-ronde SAINFO/FIJ - Niger

TABLE RONDE SUR LE CONSEIL DE PRESSE ORGANISE PAR LE SAINFO ET LA FIJ EN PARTENARIAT AVEC LE CSC, NIAMEY (NIGER), DU 29 AU 30 AOUT 2003


Le rôle du Conseil de Presse dans la Promotion de l’Indépendance Editoriale

Par Abdoulaye Moussa Massalatchi

Ancien membre du Conseil de Presse
Correspondant de l’Agence, internationale REUTERS
Président de lUJPN

Chers confrères

En dépit du peu de temps dont j'ai disposé, moins d'une semaine pour préparer cette communication, dire que je ne suis pas flatté de l'animer relèverait du mensonge. En effet, le rôle du conseil de presse CP dans la promotion de l'indépendance éditoriale -je préfère la protection de celle-ci -, est pertinent, car il concerne le droit à l'information de la personne humaine, une information qui doit être respectueuse de la déontologie du journaliste. La contrainte évoquée me conduira à être bref, vous laissant le soin d'enrichir les débats.

Chers confrères

La déontologie, c'est cet ensemble de règles de conduite interne que les journalistes adoptent à travers un code ou une charte, mais des règles ne dépassant pas assez souvent la simple morale professionnelle. Le résultat de cette approche a abouti çà et là à la création d'une instance de journalistes chargée de veiller au respect de ces règles. L'on parle alors de conseil de presse, de tribunal des pairs, d'un observatoire des médias intervenant pour scruter les journaux en quête de violations du code ou de la charte de déontologie, et cela, dans le but de prononcer une sanction. Ces dernières années, ce conseil admet en son sein les usagers des médias. Mais partout, l'objectif fondamental du conseil reste d'assurer le droit à une information libre, honnête; véridique et complète sous toutes ses formes, et cela par le contrôle de qualité. Ce conseil est saisi d'une plainte d'un lecteur/auditeur et se limite à jouer le rôle d'arbitre dans tout différend relatif à l'honnêteté et à l'exactitude d'une information. Toutefois, il ne possède aucun pouvoir judiciaire, réglementaire ou coercitif et n'impose aucune sanction autre que morale lorsqu'il estime que le tort est du côté du journaliste.

Chers confrères

Avant d'explorer notre conseil de presse, il n'est pas superflu de rappeler que c'est l'expérience du conseil de presse du Québec qui est citée en exemple dans le monde des médias. Fondé en 1973 comme organisme privé à but non lucratif, indépendant des autorités gouvernementales, il a pour objectif fondamental d'assurer le droit à une information libre, honnête, véridique et complète. Il est de journalistes, de dirigeants de médias et de


déposée auprès du CSC qui l'a adopté le 4 juillet 1997, lui conférant force légale, que le conseil de presse du Niger impose des obligations aux journalistes, et reconnaît leurs droits. Le conseil composé de cinq membres ( trois professionnels des médias, un journaliste du secteur public et un journaliste du privé) a été mis en place par le CSC le 5 mai 1997, suite a une sélection d'un jury. Conçu comme organe d'autorégulation, chargé de délivrer et retirer la carte de presse, il est également un organe administratif, puisque ses décisions sont des actes administratifs pouvant être attaqués devant le CSC (article 22 de l'ord du 18 juillet 1997, art 5 de la délibération 97-001 CSC du 5 mai 1997 visant ord 30 mars 1993). Et les décisions du CSC elles-mêmes sont susceptibles de recours devant la cour suprême. Il se dégage alors que la déontologie va avoir une existence légale à travers le conseil de presse, qui acquiert force juridique. L'idée d'une déontologie émanant de la profession perd son aspect de leurre, puisque la charte aura une portée effective. Ce qui est porté par la charte et qui vient à être transgressé, qu'il s'agisse de devoirs par le journaliste ou de droits par une autorité, est donc susceptible de recevoir la qualification d'infraction.

Ainsi, de par la charte, le journaliste doit défendre la liberté de l'information, du commentaire et de la critique. Cette clause devient légale en vertu de la charte. Elle signifie que le journaliste a le droit d'informer par le texte ou par l'image et que ce droit est indéniable dès lors qu'il s-agit d'un évènement exceptionnel survenant sur la voie publique, d'une catastrophe, d'un fait de l'actualité générale, d'un épisode de l'histoire contemporaine, d'un fait divers. Rien ne peut justifier le silence des médias audiovisuels d'Etat sur l'arrêt rendu récemment par la cour d'appel sur l'affaire CDS. Le journaliste est tenu d'informer le public sur cette décision. Il est tenu d'informer également sur le fonctionnement des services publics et de le critiquer. En application de ses attributions, le conseil de presse veille à ce que la liberté de la presse bénéficie ici au journaliste animé par le désir d'informer loyalement et sereinement les lecteurs-auditeurs. Aucune mesure ne peut restreindre le droit au libre accès à toutes les sources d'information (lettre du CP au PCSC le 7-01-98 sur l'affaire commando K, appuyé d'un communiqué de presse du CP du 7-01-98).

Dans le même ordre d'idée, il dénonce et condamne l'omission, l'autocensure (déclaration du CP du 5-7-97) et encourage donc la collecte et la libre circulation de l'information (communiqué CP du 19-11-97). En application de la charte, le conseil de presse veille à ce qu'aucun journaliste ne soit sanctionné pour avoir fait appel à une personne qu'il juge compétente pour analyser ou commenter un évènement de portée nationale ou internationale. En application de cette charte, le CP est aussi un tribunal compétent pour connaître de la clause de conscience. D'abord, le préambule de la charte est porteur d'une phrase sans équivoque. "La responsabilité du journaliste vis-à-vis du public prime devant toute autre responsabilité, en particulier à l'égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics"(fin de citation). La clause de conscience figure à l'article 17 des droits portés par la charte, et au niveau de la loi, à l'article 8 de l'ordonnance du 30 mars 1993 sur le régime de la presse, remplacé par l'art 15 dans l'ordonnance. du 18 juillet 1997 sur le même régime). Il est reconnu dès lors que le journaliste est salarié, car une responsabilité particulière est également reconnue à l'équipe rédactionnelle (charte, article 13 des devoirs). Que comprendre de la clause de conscience dans la promotion de l'indépendance éditoriale? C'est un cas de résiliation du contrat de travail exorbitant du droit commun unique en son genre, où des considérations morales et intellectuelles viennent supplanter les dispositions de la loi régissant les rapports du travail. En effet, le journaliste est autorisé à résilier son contrat de travail lorsque la politique de l'entreprise qui l'emploie, par un changement d'orientation, créée ainsi une situation de nature à porter atteinte à sa réputation, à ses intérêts moraux.

Chers confrères

La charte des journalistes professionnels du Niger fait partie des mécanismes de protection de la liberté de la presse. En effet grâce à cette charte, le conseil de presse peut accréditer une "complicité automatique" entre les devoirs et les droits, et imposer par là même la reconnaissance juridique des principes de déontologie. Nulle institution en France, aux EtatsUnis et ailleurs, ne possède l'autorité nécessaire qu'a eu le CP pour imposer une morale professionnelle. C'est dans cet esprit que le conseil de presse a essayé de soumettre à la critique les pratiques les plus contestables au sein de cette profession, les dérives multiples de sa « couverture » de l'actualité dans tous les domaines, mais aussi les conditions d'exercice de la profession ( voir lettres, communiqués et déclarations). Le conseil a eu à dénoncer l'appropriation des médias d'Etat par le pouvoir politique qui s'en sert sans compter pour permettre à "ceux d'en haut" d'imposer leurs valeurs et leurs décisions à "ceux d'en bas" ; il a dénoncé la subordination fréquente des journalistes à une logique qui les prive peu à peu de leur indépendance rédactionnelle et les transforme en simples auxiliaires d'une machine dont les priorités échappent aux exigences de l'information. Sur ce point, rappelons ce qu'écrivait Amadou Harouna Yayé, dans son mémoire présenté à la fac des études supérieures (université de Montréal; 1997) 11-quant à la voix du Sahel; la radio nationale de service public, l'image que renvoie le miroir de la réalité quotidienne dans laquelle elle évolue incline plutôt à dire qu'elle a renoué de plus belle avec la "domestication" étatique.

Chers confrères

Ce qu'aurait pu se révéler l'action du CP tel que constitué, c'est d'être un réseau transversal, établissant des points de contact et de passage, entre les protagonistes de l'action démocratique; c'est de promouvoir et obtenir l'exercice d'une démocratie pluraliste et égalitaire, affranchie de la tutelle des pouvoirs politiques et des discours dominants. Le CP, c'est une action déployée dans plusieurs directions : une action directe, en direction des pouvoirs publics et médiatiques, qui en appelle à la mobilisation des citoyens chaque fois que leurs droits démocratiques, notamment en matière d'information, sont bafoués ; une action diffuse et concertée au sein même du champ médiatique, destinée à promouvoir une information démocratique des citoyens et une expression démocratique des protagonistes de la vie intellectuelle et politique, et particulièrement des acteurs de la classe politique et de la société civile; une action en direction des professionnels, destinée non à redoubler leur action revendicative, mais à renforcer sa portée démocratique.
Pour le CP, la compétence professionnelle doit être consacrée à la défense professionnelle, par ses méthodes, ses contenus et ses formes.

Chers confrères,

J'arrive au terme de cette communication qui n'a pas la prétention d'être une étude exhaustive du problème de l'indépendance éditoriale. J'ai simplement tenté de donner une idée de la mesure dans laquelle le droit à l'indépendance éditoriale est garanti au regard des lois sur le monde de la communication et des règles posées par la charte des journalistes dont la procédure de mise en oeuvre dépend du CP.

Il faut s'en convaincre: une population en état d'ex-communication permanente, un pays qui ne peut plus (se) communiquer par le moyen des médias, et c'est la démocratie qui dépérit.