Pierre-Yves Ginet: les hommes ont une responsabilité!

Pierre-Yves Ginet est co-rédacteur en chef du magazine Femmes ici et ailleurs, un magazine bimensuel d’information qui dépeint des portraits de femmes en France et dans le monde. Il nous parle de son magazine, de ses choix éditoriaux, de la place des femmes dans le journalisme et d’une prise de conscience nécessaire.

Pierre-Yves Ginet

Comment décririez-vous la situation des femmes qui travaillent dans les médias français? Quels sont leurs défis pour atteindre des postes à responsabilité ?

Il y a un vrai problème d’inégalité professionnelle et de plafond de verre dans les entreprises de presse. Le nombre de cartes de presse est bien partagé entre femmes et hommes mais plus on grimpe dans les hiérarchies, plus les décideurs sont des hommes. De plus, la population journalistique est une population de « sachants ». Et j’en fais partie, je dis ça de façon très confraternelle. Et les « sachants » n’aiment pas qu’on leur dise ce qu’il faut faire ou non. Et on se retrouve typiquement avec des journalistes qui écrivent sur l’inégalité professionnelle et les violences faites aux femmes depuis des années et qui ne l’appliquent pas à leur rédaction. Je ne vais pas dire qu’on donne des leçons aux autres mais on pointe des inégalités dans d’autres mondes professionnels alors que dans nos entreprises, c’est la même chose.

Comment êtes-vous devenu co-rédacteur en chef de ce magazine?

En le créant, tout simplement ! L’histoire de Femmes Ici et Ailleurs part d’un constat : l’information que nous recevons n’est pas neutre. Dans 90% des cas elle parle d’hommes, donc c’est une première disparité. Et quand elle parle des femmes, elle les montre dans des rôles dits féminins (l’épouse, la fashionista, la maman) ou dans des rôles de victime. Il n’est pas question d’aller nier toutes les violences faites aux femmes, il ne faut jamais cesser d’en parler. Mais on oublie tout ce que font les femmes : militantes, professionnelles, cheffes d’entreprise, scientifiques, artistes, sportives...

Mise à part la couverture des femmes politiques, seul 5% de l’information parle de ce que font les femmes. Ce chiffre est ridicule. On en a eu assez et on a créé notre média. Nous avons créé des postes de co-rédacteur et co-rédactrice en chef du magazine Femmes Ici et Ailleurs. Sandrine Boucher est co-rédactrice en chef du magazine depuis sa naissance au sein des Editions du 8 mars. Le résultat, c’est un magazine d’information généraliste et politique et pas un magazine féminin dans lequel on a toutes les 2 pages des femmes qui font 1m90 et 23kg. On présente enfin des femmes normales et on parle d’elles pour ce qu’elles font. Comme pour les hommes en fait. On est novateurs et novatrices avec cette ligne éditoriale mais on l’a fait parce qu’il y avait un vide, et on remplit ce vide.

Quel peut être le rôle des hommes, journalistes ou dirigeants de médias, pour promouvoir l’égalité femmes-hommes dans leurs structures?

Les hommes ont une responsabilité. Aujourd’hui, ce sont eux qui sont aux manettes donc la responsabilité est chez eux. Un chef d’entreprise, quel qu’il soit, qui affirme qu’il n’a pas trouvé de femme pour son conseil d’administration, c’est de l’incompétence. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de femmes, il y en a plein ! Elles représentent 50% de la population ! S’il ne parvient pas à trouver de femmes, c’est qu’il n’est pas compétent. En tout cas pas dans ce domaine-là. Et cela s’applique de la même façon aux patrons de presse.

Quelles sont les conséquences du manque de femmes aux postes de management des médias ?

C’est une question d’éthique et de cohérence. Est-ce qu’il y aurait une conséquence dans l’information qui va être produite ? Elle ne sera pas immédiate. Il y a effectivement une sensibilité à ces questions d’égalité qui est plus forte chez les femmes que chez les hommes, puisqu’elles subissent ces inégalités tous les jours. Si on avait plus de femmes à tous les niveaux, et une propension plus forte de ces femmes à travailler sur les questions de genre, à ce moment-là, on aurait une information différente. Mais ce n’est pas mécanique, et ce n’est pas parce qu’il y a plus de femmes dans une rédaction que l’information va changer.

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