Les journalistes camerounais inquiets de la précarité de l’emploi plus en plus grande dans les médias

Communiqué du Syndicat National des Journalistes du Cameroun, SNJC

A l’occasion de la double célébration de la fête internationale du travail le 1er mai 2006 et de la journée internationale de la liberté de la presse le 03 mai 2006, le Syndicat National des Journalistes du Cameroun, SNJC, aimerait porter à l’attention de l’opinion nationale et internationale sa vive inquiétude sur l’emploi de plus en plus précaire dans les médias camerounais, qui ont enregistré, dans l’indifférence générale, une série de licenciements abusifs dans la période comprise entre mai 2005 et Mai 2006.

Au début du mois d’octobre 2005, des journalistes et autres employés de la radio Magic FM à Yaoundé, ont ainsi été licenciés abusivement de cette chaîne. Il s’agit notamment de : Javis Nana, chef du desk international ; Daniel Yambena, responsable de l’unité de production ; Germain Fotié, directeur technique ; Fabrice Ondoa, webmaster ; et Bertrand Fotsing, chef du service technique.

Ces licenciements d’un type particulier - consistant à faire interdire, par vigiles interposés, l’accès de la chaîne aux concernés -, ont été initiés à l’emporte-pièce par le promoteur de cette radio, M. Grégoire Mbida Ndzana. Qui, le 13 septembre 2003, avait déjà essuyé une grève du personnel qui lui réclamait sept mois d’arriérés de salaire. Ce débrayage avait pourtant fait l’objet de négociations et d’accords avec l’intermédiation du secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (Cstc), M. Zambo Amougou.

Dans lesdits accords, le patron de Magic FM promettait de payer les salaires dus en trois échéances et de ne pas opérer de discrimination comme suite au mouvement d’humeur entrepris .

Ce dernier n’a, évidemment, pas respecté ses engagements et a plutôt utilisé des subterfuges pour tenter de faire taire définitivement toute velléité de remise en question de son système somme toute autoritaire.

Il est à rappeler qu’une situation similaire, en pire, persiste à Radio Nostalgie à Douala - dirigée par Lionel Fofé, fils de l’ancien ministre. Depuis le mois de juin dernier, le directeur des programmes, Pierre Alexandre Bougha ; le rédacteur en chef et responsable d’antenne, Paul Mahel Mahel ; son adjointe, Katia Tsala Essomba ; le responsable informatique, Patrick Emessiene ; et le responsable de la production, Antoine Ekwala, se sont vus interdire l’accès de la radio, par des vigiles, suite à une brève interruption de la diffusion au cours de laquelle un des « licenciés » d’aujourd’hui avait osé lever un pan de voile (en interne) sur au moins sept mois d’arriérés de salaire du personnel, promis plusieurs fois mais jamais payés. L’affaire, conduite par Me Alice Angèle Nkom, avocat au barreau du Cameroun, est actuellement pendante devant les juridictions du Wouri.

L’opinion garde encore présent à l’esprit le clash survenu à La Nouvelle Expression, en mai 2005 – qui a non seulement défrayé la chronique, mais fait l’objet d’une déclaration du secrétaire général de la Fédération Internationale des Journalistes (Fij) , Aidan White. En l’espèce, de simples élections de délégués de personnel, les premières depuis la création de ce journal en 1991, organisées symboliquement sous la houlette du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) avec l’aval du délégué provincial du travail pour le Littoral (étant donné qu’elles sont obligatoires d’après le Code du travail camerounais), ont conduit à des licenciements abusifs en série de la part du directeur de publication, Séverin Tchounkeu. En l’occurrence : du directeur des études, du développement et des relations internationales et éditorialiste, Jean Marc Soboth, président du Syndicat incriminé ; du chef de la rubrique économique, Gilbert Tchomba ; d’un reporter, Julien Chongwang, accusé en ce qui le concerne d’avoir rendu compte du déroulement du scrutin dans les colonnes dudit quotidien ; tandis que Henriette Ekwe, secrétaire générale et éditorialiste, qui a présidé lesdites élections, a été limogée. Cela a été le cas avant elle de Thomas Eyoum’a Ntoh, Georges Anicet Dougueli, etc.

En Mars 2006, le SNJC a constaté que la série se poursuivait : après des licenciements survenus à TBC FM à Yaoundé, c’était au tour de Jean-Claude Mvodo, le célèbre présentateur de l’émission « Corps diplomatique » à la chaîne de télévision Canal 2 International à être licencié (le 24 février) alors que les journaux camerounais, généralement si critiques lorsqu’il s’agit de défendre les fortunes du pays, mentionnaient comme un fait banal le fait que ce confrère était sanctionné parce qu’il demandait à être affilié à la Caisse nationale de prévoyance sociale, CNPS.

La dernière vague des départs pour cause de « mesquinerie, gestion d’épicerie, absence de contrat de travail, népotisme… » est celle qui a été enregistrée il y a quelques semaines à Radio Equinoxe Douala de la part de Antoine Landry Lemogo alias « Président Tchop Tchop », présentateur célèbre de « Pepe Soup » et coordonnateur des programmes de cette radio, et sa bande, composée de Moses Enjawie alias Cletus, Raymond Liberté Ebobisse alias Mboma Hélicoptère.

Ces faits, caractéristiques d’une absence d’Etat et de culture du droit dans cette jungle conduit chaque jour à une chute de qualité importante de ces médias du fait des licenciements des meilleurs éléments ; ils ont abouti à une série de procès en justice.

Il va de soi que cette tendance aux licenciements abusifs à la pelle dans les médias a progressivement ravalé les journalistes camerounais au rang de chiens incapables de remettre en cause les tares de leurs entreprises, réduits à des rôles paradoxaux de griots auprès de leurs patrons, attitude qui, évidemment, contraste avec ce qu’ils représentes « à l’extérieur », connus pour leurs critiques envers le régime au pouvoir.

En enjoignant les journalistes à se syndiquer pour défendre leurs droits et jouer pour l’amélioration des médias le même rôle qu’ils jouent en dehors de ceux-ci, le SNJC profite de cette occasion emblématique pour inviter les éditeurs de presse à arrêter de s’autodétruire par des licenciements de toutes sortes et de transformer leurs groupes en de vraies entreprises respectueuses des droits des employés, en l’occurrence de leur couverture sociale et leur perspective de retraite.

Le SNJC salue à cet effet l’implication de plus en plus notable du gouvernement de l’Etat dans l’assainissement du milieu social des médias, lequel a impulsé la négociation de la convention collective nationale des journalistes qui est une étape décisive dans ce processus.

Fait à Douala, le 1er mai 2006
Pour le SNJC,
Le Président national

Jean Marc Soboth