France : la modification d’une image est une entrave aux règles déontologiques

Samedi 15 décembre, une photographie de la manifestation des gilets jaunes qui se tenait à Paris le jour même a été modifiée avant d’être diffusée dans le journal télévisé (JT) de France 3, une chaîne publique appartenant au groupe France Télévisions. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) se joint à ses affiliés, le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT, pour condamner fermement cette grave faute professionnelle qui constitue une violation d’un principe fondamental du journalisme et nuit à l’ensemble de la profession.

Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Sur la droite de la photo d’origine (ci-dessus), prise place de l'Opéra à Paris par le photojournaliste Geoffroy Van Der Hasselt pour l’AFP le 15 décembre, un manifestant qui proteste contre la politique du président Emmanuel Macron tient une pancarte où il est écrit «Macron dégage ».

Le soir même des événements, Catherine Matausch la présentatrice du  journal télévisé du 19/20h de la chaîne publique France 3 évoque la mobilisation, avec en fond, la photo modifiée de l’AFP. La pancarte tenue par le manifestant ne contient plus que le nom «Macron », au-dessus d'un curieux espace blanc.

Dès le 16 décembre, la retouche de l’image a été révélée par de nombreux médias dont le service fact-checking du quotidien Libération et l’AFP, la photographie originale à l’appui. L’information a ensuite été relayée sur les réseaux sociaux et a provoqué un tollé d’indignations, de colères et d’incompréhensions chez les citoyens comme les journalistes.

Dans l’après-midi, l’équipe du JT a réagi dans un tweet, présentant ses excuses et évoquant “une erreur humaine”.

 

La présentatrice a également présenté les excuses de la chaîne le soir même,lors du JT.

De leur côté, les syndicats de journalistes ont vivement réagi, évoquant une manipulation insensée et s’indignant de voir que l’image retouchée ait pu être diffusée.

Le 16 décembre, la section du SNJ-CGT de France Télévisions a interpellé la direction de la chaîne dans un courriel. La direction de France 3 a répondu dès le lendemain qu’une “personne opérationnelle au sein de l'édition concernée a commis une erreur qu’elle a d’ailleurs reconnue”, sans en informer la hiérarchie, après validation de la photo originale par la rédaction en chef. La personne serait une cheffe d’édition, qui aurait retouché l’image, par peur que « dégage » passe pour un propos haineux ou dégradant. Une enquête interne est en cours.  

Dans un communiqué du 17 décembre, le Syndicat national des journalistes (SNJ) s’est dit “choqué de ce qu’il s’est passé”. “Nous exigeons d’entendre de vive voix [les] explications [de France Télévisions] et les mesures qu’elle compte prendre pour éviter que ces faits ne se reproduisent pas.”

La CFDT a pour sa part rappelé qu’à l’heure où les journalistes sont cibles de violences sur le terrain de la couverture des événements, “chacun doit surtout mesurer avec gravité ce que peuvent être les conséquences de telles “maladresses” éditoriales et en tirer collectivement des leçons pour qu’une telle situation ne se répète pas.”

Anthony Bellanger, le Secrétaire général de la FIJ, a déclaré :

“Le code de principe de la FIJ, la plus ancienne charte mondiale de déontologie, rappelle le principe du respect de la vérité et le droit du public à la connaître. Il est donc inconcevable que des journalistes retouchent une photographie. Par ailleurs, le photographe possède un droit moral sur sa photo et toute modification est strictement encadrée. Nous condamnons sévèrement cette grave faute professionnelle qui risque de jeter le discrédit sur l’ensemble de la profession et engageons nos collègues à faire preuve de la plus extrême prudence dans la couverture de l'actualité.”

Quant au manifestant “gilet jaune”, il a saisi lundi 17 décembre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour protester contre la retouche de sa pancarte sur l’image.

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