Communiqué de L’Association des Journalistes Ethiopiens pour une Presse Libre (EFJA) à la réunion des chefs d’Etat de l’Union Africaine (UA) à Maputo (juillet 2003)

Son Excellence
Le Président Thabo Mbeki
Président de la République d’Afrique du Sud
Et Président en exercice de l’Union Africaine

Excellence, M. le président,

Nous voudrions tout d’abord vous présenter nos meilleurs vœux et à travers vous à tous les chefs d’Etat et chefs de gouvernement africains, délégués, frères et sœurs qui prennent part au sommet de l’Union Africaine (UA) à Maputo. Nous sommes convaincus que le présent sommet de l’UA accomplira un travail qui aura un impact positif majeur sur le développement et le progrès des peuples africains.

Nous espérons que notre nouvelle organisation, l’UA, s’intéressera, et discutera, entre autre, de la question de l’exercice des droits à la liberté de la presse qui repose sur le droit des peuples à jouir de la liberté d’expression.

Nous sommes animés du désir de voir la Constitution de l’Union africaine défendre fermement le respect et l’exercice de la liberté d’expression; observer l’obligation de rendre des comptes et de justifier son action à l’égard de toutes les parties concernées, défendre la liberté de la presse , et protester vigoureusement contre les pratiques antidémocratiques des dictateurs mais aussi exiger fermement des professionnels qu’ils soient gouvernés par une déontologie.

Nous avons des raisons concrètes pour demander à l’Union africaine de concentrer son attention sur la question du respect du droit à la liberté d’expression. Les journalistes en Afrique travaillent dans des conditions particulièrement hostiles et, en raison de leur rôle important dans la construction et le maintien de la démocratie, ils ont besoin de reconnaissance et de protection.

Dans plusieurs Etats membres de l’UA, les journalistes sont arrêtés, harcelés et intimidés uniquement pour avoir fait leur travail et beaucoup de pays ont recours à des lois dures, d’un autre temps, pour les poursuivre en justice. Des recherches conduites par des institutions de presse africaines et internationales révèle qu’un nombre alarmant de gouvernements entravent la libre circulation de l’information et poursuivent avec zèle les journalistes pour leur travail. Dans certains cas ils créent à dessein une législation destinée à supprimer la diffusion d’opinions dissidentes.

A titre d’exemple, le gouvernement d’un pays africain a fermé l’ensemble des médias indépendants et a jusqu’ici placé en détention une douzaine de journalistes. Plusieurs autres ont fui le pays. Le porte-parole du gouvernement a reconnu devant une ONG que des journalistes indépendants sont actuellement emprisonnés et détenus sans contact avec l’extérieur mais qu’il ne pouvait cependant pas affirmer si tous les journalistes était encore en vie.

Mon pays, l’Ethiopie, a un palmarès lamentable en matière de liberté de la presse, et son gouvernement prévoit des modifications alarmantes sur les lois sur la presse en place depuis 11 ans, des modifications qui limiteraient sévèrement les droits de la presse déjà harcelée de toute part.

Bien que les autorités éthiopiennes affirment que la nouvelle loi devrait promouvoir “un journalisme constructif et responsable”, nous pensons que ces lois entraîneraient la répression, le retrait de nombre d’entre eux de la profession ou leur incarcération. Actuellement, deux journalistes sont emprisonnés en Ethiopie, et plus de 40 journalistes ont des affaires pendantes au tribunal. Quelques pays africains violent ainsi systématiquement et de manière flagrante la liberté de la presse au sein de l’UA. Néanmoins, les organisations de la presse internationale ont recueilli des données sur le harcèlement pratiqué par les Etats à l’encontre des journalistes indépendants et des bureaux de presse sur l’ensemble du continent.

L’Association des Journalistes Ethiopiens pour une presse libre ((EFJA) rappelle respectueusement à votre Excellence que la plupart des Etats membres de l’UA ont signé l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Article 19 de la Convention internationale sur les droits civils et politiques, et l’Article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Tous ces articles reconnaissent le droit de solliciter, recevoir et communiquer une information sans crainte de représailles.

En tant qu’association de journalistes résolus à défendre la liberté de la presse en Ethiopie, l’EFJA croit fermement que les organes de presse et les journalistes doivent être en mesure de travailler librement et que les capacités du public à recueillir et recevoir l’information doivent être inscrits et reconnus comme un droit fondamental. Nous pensons aussi que les journalistes ne doivent pas faire l’objet d’arrestations arbitraires, de détention ou de harcèlement à cause ou dans l’exercice de leur fonction.

Nous demandons à votre Excellence ainsi qu’aux chefs d’Etat et de gouvernement de :
- respecter les lois de l’UA et les lois internationales
- libérer les journalistes emprisonnés dans leurs pays respectifs.
- modifier leurs lois répressives sur la presse
- veiller à ce que les médias dans les pays membres de l’UA puissent fonctionner librement, sans intimidation, harcèlement ni restrictions.

Nous espérons sincèrement que le sommet de l’UA produira des résultats heureux qui profiteront par excellence aux peuples du continent africain.

Nous espérons aussi que la liberté de la presse fleurira en Afrique et dans le reste du monde.

Nous vous prions d’agréer Excellence, l’expression de nos sentiments distingués.

Kifle Mulat
Président de l’EFJA

Addis-Abeba, Ethiopie
19 Juin, 2003