Aux «fake news», des réponses déontologiques et syndicales

La planète entière aurait donc découvert les «fake news» ou «nouvelles fausses» en 2017. Pourtant, cette expression est aussi ancienne que le journalisme. Explications et solutions.

La planète entière aurait donc découvert les «fake news» ou «nouvelles fausses» en 2017. Pourtant, cette expression est aussi ancienne que le journalisme. Explications et solutions. Cet article a été publié sur Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/anthonybellanger/blog/180118/aux-fake-news-des-reponses-deontologiques-et-syndicales C’est un fait. Les fake news ou nouvelles fausses en français ont envahi l’espace médiatique en 2017 au point que les dictionnaires anglais Collins et américain Dialect Society en ont fait le mot de l’année ! La planète entière a donc découvert une expression qui est pourtant aussi ancienne que le journalisme. En France, l’article 27 de la loi de 1881 sur la Liberté de la presse punit « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses […] d’une amende de 45.000 euros ». 50 ans plus tard, en 1929, la toute jeune Fédération internationale des journalistes (FIJ), créée à Paris en 1926, propose pour tous ses adhérents un code moral de 11 articles dont un spécialement consacré à « la condamnation des nouvelles fausses ». Ce Code moral, voulu par son président (français) Georges Bourdon, aboutira à la création du Tribunal international d’honneur pour les journalistes, installé à La Haye au tout début des années 30. Mais concilier les juridictions d’une trentaine de pays s’est finalement avéré impossible et cette cour de justice spéciale fut très vite abandonnée. Les fake news ne sont donc pas une découverte. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la vitesse à laquelle elles sont colportées et diffusées. Depuis 1881, le législateur est bien en peine pour tenter de circonscrire cette gangrène et, avec des médias sociaux transfrontaliers, toute entreprise juridique pour les anéantir est vouée à l’échec. Surtout quand le plus célèbre initiateur de fake news est le Président des Etats-Unis lui-même ! Partout dans le monde, les sociétés s’interrogent sur ce que sont un journaliste et le journalisme. La première difficulté pour le citoyen, au nom du droit d’être bien informé, c’est d’abord de faire le tri sur les réseaux sociaux entre ce qui relève de la propagande, de la communication et de l’information. Le lecteur croule aujourd’hui sous « l’infobésité », des titres et des photos en désordre qui défilent sous ses yeux sur sa tablette. En tant que première organisation mondiale de la profession – 600.000 membres dans 186 pays -, la Fédération internationale des journalistes rappelle aux citoyens et donc aux journalistes de ne pas partager tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux ; de ne pas confondre vitesse et précipitation quand il s’agit d’information ; et surtout de vérifier toutes leurs sources. La FIJ soutient également depuis des décennies la création d’instances de régulation, comme les conseils de presse ou de déontologie. Il ne s’agit pas de tribunaux qui cloueraient les journalistes fautifs au pilori, mais ces structures, partout où elles existent, permettent au public de devenir acteur d’une information qui lui échappe trop souvent. La presse est-elle de meilleure qualité en Belgique ou au Québec, là où fonctionnent ces instances paritaires (directeurs, journalistes, citoyens) ? La question reste posée, mais lorsqu’une faute déontologique est avérée, elle est corrigée, expliquée, voire sanctionnée. Ceci selon une Charte de déontologie ou un Code d’éthique bien précis. La FIJ a publié son Code de principes sur la conduite des journalistes en 1954. C’est aujourd’hui encore la référence éthique de la profession dans le monde. Enfin, toutes ces questions déontologiques ne peuvent se poser que si le journaliste travaille dans des conditions décentes, ce qui est la condition sine qua non de ces instances de régulation. La dernière question qui doit être posée est la suivante : « Le journaliste avait-t-il les moyens de bien faire son travail ? » Poser la question revient à y répondre… Un pluralisme de la presse en berne et des médias entre les mains de quelques milliardaires mettent au chômage de nombreux journalistes dans le monde et, dans le même temps, empêchent aux jeunes générations l’accès au marché du travail. C’est le cas en France, mais pas seulement. L’Europe, longtemps protégée, connaît une crise sans précédent depuis une dizaine d’années. Pour la majorité des journalistes des autres continents, en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud, les priorités sont autres : être rémunérés et remplir leur mission d’informer sans être menacés, emprisonnés, assassinés. En 2017, plus de 250 journalistes étaient toujours derrière les barreaux quand 82 confrères et consoeurs (8 femmes) ont été assassinés parce qu’ils remplissaient leur mission d’informer, selon le 27e décompte des journalistes tués dans le monde, que la FIJ publie depuis 1990. Ils sont frappés eux aussi par ces fake news qui pullulent sur des sites Internet et réduisent à néant tous leurs efforts. Pour eux, c’est la double peine. Et cela n’a rien d’une nouvelle fausse. Anthony BELLANGER Journaliste et historien français, Anthony Bellanger est le Secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), première organisation de la profession avec 600.000 membres dans 146 pays.

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La FIJ représente plus de 600 000 journalistes dans 146 pays

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