Sean Holman: Le changement climatique touche pratiquement tous les sujets que l’on couvre

Sean Holman est professeur agrégé en journalisme à l’université Mount Royal, à Calgary au Canada, chercheur sur la liberté d’information et  défenseur de la couverture médiatique de la crise climatique. 

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Comment évaluez‑vous la couverture médiatique du changement climatique actuellement? Existe-t-il des informations dont les journalistes ne parlent pas ? 

Depuis la publication en 2018 du rapport spécial sur les conséquences du réchauffement climatique par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la couverture du changement climatique s’est améliorée. Cependant, cette couverture ne reflète toujours pas les menaces actuelles. On parle d’un phénomène qui pourrait entraîner des morts prématurées ou le déplacement de millions de personnes, en plus de l’extinction d’un tiers de la faune et de la flore. Ce n’est pas une hyperbole. C’est une estimation scientifique. D’ailleurs, ces conséquences sont déjà visibles dans le monde entier : des incendies en Australie et au cercle polaire arctique aux vagues de chaleur en Sibérie et aux pluies diluviennes au Texas. De ce point de vue, si l’intérêt médiatique signifie encore quelque chose, alors le changement climatique devrait être le principal sujet à couvrir à travers le monde. Or ce n'est pas le cas dans beaucoup trop de pays. 

Selon vous, quel est le lien entre changement climatique et coronavirus ? Quels sont les points communs entre la couverture médiatique du changement climatique et celle de la pandémie ? 

Ces deux sujets ont montré à quel point il est devenu difficile de résoudre le problème de la désinformation volontaire et involontaire. L’état de santé d’une démocratie dépend de la manière dont les citoyens utilisent l'information pour prendre des décisions rationnelles et empathiques concernant le monde qui les entoure. Après tout, si les informations ne permettent pas de changer le comportement d’une personne, alors le seul moyen de le faire est d’utiliser la force ou la foi, ce qui n’a rien de démocratique. Toutefois, le changement climatique et la pandémie ont montré que beaucoup de gens prennent des décisions irrationnelles et égoïstes en se basant sur des informations créées de toutes pièces. On le voit dans les manifestations anti‑masques qui ont eu lieu dans le monde entier et dans notre refus continuel de prendre des mesures personnelles et politiques proportionnelles à la menace que constitue le changement climatique. Les journalistes devraient fortement s’en inquiéter. Après tout, quel est notre rôle dans une société qui se détache de la vérité ? 

Quelle leçon les journalistes et les médias pourraient dégager de la COVID‑19 afin d’améliorer la couverture médiatique des problèmes climatiques à venir ? Quelles seraient vos principales recommandations envers les journalistes couvrant la crise du climat pendant la pandémie ? 

Lors d’un état d’urgence, les médias ne fournissent pas seulement des informations relatives aux effets de la catastrophe sur la population. Ils fournissent également des informations sur ce que la population peut faire, c’est‑à‑dire la façon dont elle peut se protéger elle‑même et dont elle peut protéger ses proches. On comble le sentiment d’incertitude en demandant aux gens de se diriger vers des terrains plus en hauteur lors d’inondations, de rester à l’intérieur lorsqu’il y a de la fumée produite par un incendie ou, lors d’une pandémie, de garder une distanciation sociale ou de porter un masque. Toutefois, ce n’est pas le cas lorsque l’on traite du changement climatique. Il n’est donc pas surprenant de voir que notre public se déconnecte de ce type d’information. La population se sent simplement encore plus incertaine et impuissante dans un monde déjà incertain et incontrôlable. On doit donc aider à dominer ces sentiments en expliquant clairement ce que la population peut faire pour lutter contre le changement climatique chaque fois que l’on traite de ce sujet, que ce soit de façon privée ou publique. Il ne s’agit pas de prendre parti. Il s’agit de rendre service à notre public, de lui fournir l’information nécessaire pendant un état d’urgence.  

Les journalistes travaillent toujours dans l'urgence et l’attention du public est une ressource limitée. Alors que le monde connaît plusieurs crises (sanitaire, économique et environnementale), comment les journalistes et les médias peuvent‑ils toutes les traiter  dans leurs articles sans en oublier une ? 

On n’a jamais été capable de le faire et je pense que c’est impossible. En tant que journalistes, on doit donc faire appel à notre meilleur jugement pour déterminer quelles informations sont les plus importantes pour notre public. C’est le tri que l’on fait en salle de rédaction et dans les sujets que l'on couvre chaque jour. Le problème est que l’on donne l'impression d’amoindrir l’importance du changement climatique. C’est peut‑être parce que l’on pense qu’il s’agit d’un sujet que tout le monde connaît déjà, où il n’y a rien de nouveau à dire. Le défi est donc de traiter l'information sous des angles que l'on n'a pas encore explorés. La bonne nouvelle c’est qu’il y en a plein. En effet, le changement climatique n’est pas juste un sujet environnemental. C’est un sujet qui touche pratiquement tous les événements que l’on couvre et on commence à peine à comprendre ce que cela implique.

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La FIJ a organisé un nouveau groupe d'experts interne sur le "Climat", consacré à nos actions/plans mondiaux pour l'environnement.

Jennifer Moreau, membre du Comité exécutif de la FIJ et représentante de l'Unifor (Canada) a été élue présidente de l'Equipe d'action sur le changement climatique (EACC) de la FIJ et les vice-présidents Paco Audije (FESP/Espagne) et Filemon Medina (SPP/Panama). Membres : Zuliana Lainez (ANP/Pérou), Maria-Jose Braga (FENAJ/Brésil), Jim Boumelha (NUJ-GB/Irlande) et Zied Dabbar (SNJT/Tunisie).

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