Rapport sur la situation des medias et de la liberte de la presse en Algerie 1998

RAPPORT SUR LA SITUATION DES MEDIAS ET DE LA LIBERTE DE LA PRESSE EN ALGERIE

SOMMAIRE


I) INTRODUCTION


II) SITUATION GENERALE

1.1 Les activités du Centre de la FIJ d’ Alger 1.2. Les projets du Centre de la FIJ d’Alger


III) SITUATION DES JOURNALISTES ET DES MEDIAS

2.1. Organisation des journalistes
2.2. Grève de la faim des journalistes
2.3. Sécurité des journalistes
2.4. Journalistes portés disparus
2.5. Atteintes à la liberté de la presse
2.6. Interdiction de parution de journaux
2.7. Solidarité internationale
2.8. Politique des visas

3.1 La loi sur l’information

IV) CONCLUSION

V) ANNEXES

I) INTRODUCTION

Le Centre d’Alger de la Fédération internationale des journalistes publie son troisième rapport annuel depuis son ouverture le 1er mars 1996. A la différence des années précédentes, le Centre dispose depuis le 27 avril 1998 de l’agrément administratif du ministère de l’Intérieur qui constitue une reconnaissance officielle et légale du Centre par le gouvernement algérien.

Ce rapport se veut un regard objectif sur une profession qui bouge, qui se bat, qui veut affirmer son existence malgré les adversités.

Ce rapport a été rédigé par les deux coordinateurs du centre, Khaled Mahrez, coordinateur chargé des relations extérieures et Lazhari Labter, coordinateur chargé des projets médias.


II) SITUATION GENERALE

1998 aurait pu être une année tout à fait « tranquille » pour la presse algérienne si ce n’était la crise survenue à la mi-octobre, après que les imprimeries d’Etat aient décidé de suspendre la publication de plusieurs quotidiens privés.

L’année avait commencé dans un clima t de relative détente. Les comités de censure, installés dans les imprimeries, venaient dêtre supprimés ce qui a libéré les journalistes algériens de la contrainte de l’imprimatur, une décision administrative leur imposant de ne publier des informations traitant des questions liées à la sécurité qu’après accord des autorités. Cette concession des autorités, longtemps revendiquée par les professionnels des médias en Algérie et par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a été sans aucun doute un signal fort qui a autorisé de grandes espérances pour une plus grande liberté de la presse en Algérie. Elle fait suite à une instruction donnée par le président de la République au gouvernement lui demandant d’améliorer sa politique de communication, de libérer les médias publics des lourdeurs bureaucratiques et les ouvrir sur la société et, d’une façon générale, de contribuer plus efficacement à la concrétisation du principe de la liberté d’expression.

De nouvelles publications, qui attendaient l’autorisation de paraitre depuis plusieurs mois, ont finalement obtenu leur agrément administratif et sont venues enrichir le paysage médiatique algérien. Il s’agit de La Nouvelle République (quotidien francophone privé), Demain l’Algérie (quotidien francophone privé) et de Saout El Ahrar (La Voix des Libres, quotidien arabophone, organe du FLN). « L’embargo » administratif qui frappait de nombreuses autres publications, d’information générale ou spécialisées, devrait être levé au cours de l’année 1999.

La presse privée s’est bien entendu engouffrée dans la brèche. Les journalistes se sont sentis d’autant plus motivés à ne pas laisser passer l’occasion d’affirmer leur volonté d’exercer plus librement leur profession que la menace d’attentats terroristes les ciblant directement semble, ne serait-ce que momentanément, s’être éloignée. Pour la première fois depuis 1993, date du premier attentat visant un journaliste, aucune tentative d’assassinat de journaliste ou de travailleur des médias n’a été enregistrée. Le sentiment de la sécurité retrouvée, ajouté aux intentions d’ouverture publiquement annoncées par la plus haute autorité du pays, a probablement encouragé les journalistes à aborder, timidement certes, des questions tabous jusque-là comme celle des droits de l’Homme par exemple.

Il faut cependant relativiser les choses et souligner que ni les signes d’ouverture des autorités ne se sont traduits par des garanties sérieuses et définitives de jouer le jeu de la liberté de la presse, ni l’ardeur des médias privés n’a pu éviter les excès et les dérapages.

Même s’il est moins pesant que durant les dernières années, le harcèlement de la presse privée, qu’il soit judiciaire, économique ou administratif n’a pas cessé. Il a atteint son expression la plus dure le 14 octobre 1998 avec la décision des imprimeries d’Etat d’arrêter l’impression des quotidiens Le Matin et El Watan après qu’un ultimatum de 48 heures leur eut été adressé à la veille du week-end leur enjoignant de payer toutes leurs dettes (lire les détails de cette affaire en page 13 ).

Le gourvenement, interpellé sur cette affaire, n’a pas cessé de marteler qu’il s’agit d’une affaire strictement commerciale qui connaitra son dénouement lorsque les titres concernés auront payé leurs dettes. Personne ne nie que pratiquement tous les journaux ont des dettes envers les imprimeries publiques et qu’un arrangement devrait être trouvé entre les uns et les autres pour apurer cette situation, mais personne ne doute non plus que les deux principaux quotidiens visés par cette mesure, Le Matin et El Watan, paient ainsi d’avoir publié une sédrie d’articles et de lettres mettant en cause deux hauts responsables politiques algériens, le principal conseiller du président de la République et le ministre de la Justice qui ont du d’ailleurs, l ’un et l’autre, démissionné.

Cette affaire, qui a défrayé la chronique a, paradoxalement, renforcé la crédibilité de la presse privée et permis de réaffirmer sa vitalité même si, en fin de parcours, la solidarité entre éditeurs a été quelque peu mise à mal. L’importance que revêt l’existence d’une presse indépendante en Algérie s’affirme avec l’échéance de l’élection présidentielle anticipée prévue pour avril 1999. Beaucoup de candidats de l’opposition à cette élection misent sur la presse indépendante pour contribuer à la transparence du scrutin, à côté des institutions nationales prévues à cet effet.

Le conflit imprimeurs-éditeurs a surtout permis de confirmer l’émergence du Syndicat national de journalistes (SNJ) comme un partenaire majeur lorsqu’il s’agit d’aborder toute question liée à l’exercice de la profession. Alors qu’on attendait les éditeurs pour organiser la « résistance » au coup de force des imprimeries publiques, c’est le SNJ qui s’est illustré en organisant les manifestations et actions les plus significatives pour demander le retour des journaux suspendus.

La création du SNJ, à l’issue des assises des journalistes le 4 juin 1998, constitue incontestablement un fait marquant dans la longue quête des journalistes algériens d’une organisation qui soit représentative, démocratique et indépendante. L’existence d’un syndicat de journalistes fort et crédible est devenue une nécessité d’autant plus impérative que les problèmes socioprofessionnels commencent à se poser avec acuité au sein de la profession. Après la période des premières années qui ont suivi la création des titres indépendants, marquée par le volontarisme et la nécessité d’assurer la survie de ces titres, coûte que coûte, il semble que soit venu le temps des discussions franches entre journalistes salariés et éditeurs au sujet des relations de travail, des conditions de recrutement, de rémunération et d’évolution des carrières. Il faut, en effet, relever que les différences de salaires, dans une même rédaction, entre journalistes salariés et leurs collègues actionnaires sont parfois insultantes.

Ces évolutions de la presse écrite privée semblent tourtefois épargner la presse relevant du secteur public. L’annonce d’élections présidentielles anticipées a certes fait bouger la télévision nationale qui organise régulièrement des débats politiques contradictoires et en direct mais dans l’ensemble, on reste loin de l’esprit de l’instruction du président de la République de novembre 1997.

En résumé, on peut dire que l’année a aussi mal fini pour la presse qu’elle avait bien entamé le début de l’année. Le gouvernement avait promis une révision de la loi de 1990 sur l’information et la promulgation d’une nouvelle loi sur la publicité. Le monopole de l’Etat sur les moyens de communication audiovisuelle et sur la publicité devaient être abrogés par les deux textes législatifs en préparation. La présentation des deux projets de loi devant le parlement a été reportée à une date ultérieure qui n’a pas été fixée. Il est vrai que l’annonce, au mois de septembre 1998 par le président de la République de l’organisation d’élections présidentielles anticipées a complètement perturbé le programme politique du gouvernement.

Ce même gouvernement avait officiellement annoncé qu’un budget de 400 millions de dinars (plus de 6,5 millions de dollars) avait été retenu au titre de l’aide à la presse pour 1998. Au 31 décembre 1998, ce budget n’a pas été mis en oeuvre.

1.1. Les activités du Centre de la FIJ d’Alger

Le 27 avril 1998, le ministère de l’intérieur délivre l’agrément administratif au Centre d’Alger de la Fédération internationale des journalistes. La remise de ce document s’est faite à l’occasion de la visite à Alger de M. Aidan White, secrétaire général de la FIJ. L’ambiguité quant au statut juridique du centre d’Alger de la FIJ a été levée après plus de deux années d’attente.

Ce geste des autorités algériennes allait être confirmé par les facilités accordées au Centre pour l’organisation, les 29 et 30 mai 1998, du séminaire régional sur le rôle du Centre d’Alger de la FIJ dans l’organisation de la solidarité entre les médias et les journalistes maghrébins. Ces facilités concernent surtout la délivrance du visa d’entrée à Bettina Peters, secrétaire général adjoint de la FIJ, Gilles Hervé, journaliste français ainsi qu’à trois journalistes marocains dont le secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), Medjahed Younous. Les confrères de l’Association des journalistes tunisiens (AJT) ont décliné l’invitation de la FIJ.

Durant deux jours, journalistes algériens et marocains et les invités européens ont débattu de trois thèmes :

- Comment encourager l’indépendance des médias dans les pays du Maghreb (garanties institutionnelles, création d’associations indépendantes de journalistes, promotion du professionnalisme) ?

- Quelles actions entreprendre pour encourager la complémentarité entre les pays du Maghreb dans le domaine de la formation des journalistes ?

- Comment favoriser les échanges entre les médias et les journalistes du Maghreb (distribution de journaux, ouverture de sites WEB pour les médias, organisation de séminaires sur des questions professionnelles) ?

Une déclaration finale a été adoptée à l’issue de ce séminaire. (Voir annexe).

Si le Centre a bénéficié de toutes les facilités pour l’organisation du séminaire régional, il n’en n’a pas été de même pour le troisième séminaire sur la révision de la loi sur l’information, prévu le 19 février 1998 à Constantine. Les autorités locales de la ville de l’est du pays ont interdit l’organisation de ce séminaire sans raison valable alpors que le Centre a pu organiser deux séminaires sur le même thème à Alger (3 décembre 1997) et à Oran (25 décembre 1997).

1.2. Les projets du Centre de la FIJ d’Alger

La déclaration finale du séminaire régional d’Alger est en soi un programme de travail pour le Centre pour les prochains mois. Sa mise en oeuvre nécessite des financements importants.

A côté de ce programme, le Centre va mettre en route, en 1999, son projet d’ouvrir un site WEB, et de mettre à la disposition des journalistes un centre de documentation. C’est avec l’aimable soutien du gouvernement des Pays-Bas, à travers son ambassade à Alger, que ce projet verra le jour. Le projet prévoit l’acquisition de mobilier pour le centre de documentation (tables, chaises, étagères) 6 micro-ordinateurs multimédia, 1 imprimante, ainsi que l’abonnement à des revues spécialisées, l’achat de livres et de publications intéressant le monde de la ciommunication, etc. L’ensemble des dépenses liées à la réalisation de ce projet est assuré par un financement du gouvernement des Pays-Bas.

III) SITUATION DES JOURNALISTES ET DES MEDIAS

2.1. Organisation des journalistes

Les professionnels des médias ont longtemps souffert de l’absence d’un cadre syndical de défense de leurs intérêts matériels et moraux. Les quelques tentatives de se doter d’une organisation syndicale digne de ce nom ont toutes échouées alors que les conditions de vie et de travail des journalistes ne cessaient de se dégrader.

Devant cet état de fait préjudiciable à plus d’un titre, les participants à la journée d’étude sur la révision de la loi sur l’information organisée par le Centre d’Alger de la FIJ à Alger le 3 décembre 1997 ont appelé dans une motion « la corporation à se doter d’un cadre organisationnel réellement représentatif ». Le 7 décembre 1998, un groupe de journalistes des quotidiens Le Soir d’Algérie, La Tribune, El Watan, Le Matin, El Khabar et Liberté lancent un appel « à tous les confrères de la presse écrite et audiovisuelle des secteurs public et privé afin de mobiliser les collectifs rédactionnels au niveau de chaque organe autour des préoccupations concrètes et désigner des représentants en vue de mettre en place une coordination nationale des rédactions. »

Cet appel rencontre un large écho auprès des journalistes de la presse écrite privée et de la radio publique nationale. La Coordination des rédaction (CDR), structure informelle chargée essentiellement de préparer des assises pour une organisation syndicale, se réunit pour la première fois le 14 décembre 1997 et décide, après un débat approfondi, de recenser dans des documents publiés par certains quotidiens privés les propositions concernant la loi sur l’information dont la révision est annoncée par le gouvernement et les questions socioprofessionnelles des journalistes.

Un travail d’information, de sensibilisation et de mobilisation à large échelle est mené en profondeur au sein des rédactions par les délégués d’organes de la CDR pendant six mois. Le 4 juin 1998, des assises sont organisées au siège de la principale centrale syndicale à Alger auxquelles assistent quelques 250 journalistes, représentant les différents organes et entreprises de la presse écrite et audiovisuelle, des secteurs public et privé, arabophone et francophone.

A l’issue d’une journée de débats et de travaux, une organisation syndicale, le Syndicat national des journalistes (SNJ) est créee. Le SNJ est composé d’un Conseil national (CN) de 37 membres dont 6 représentants régionaux et d’un Bureau exécutif national (BEN) de 11 secrétaires nationaux dont un secrétaire général, Rabah Abdellah, journaliste au quotidien Le Soir d’Algérie et ex-coordinateur de la CDR. L’article 4 des statuts de la nouvelle organisation des journalistes qui stipule que le SNJ est ouvert « à tout journaliste sans distinction d’opinion politique à condition qu’elle ne fasse pas l’apologie, sous quelque forme que ce soit, du fanatisme, de la violence, du crime, du racisme et du sexisme » est une nouveauté puisque c’est la première fois qu’une organisation syndicale algérienne bannit explicitement dans ses statuts le sexisme comme forme d’ostracisme.

Tous les observateurs ont souligné l’esprit démocratique qui a caractérisé de bout en bout les débats, les travaux et les élections des différentes instances du syndicat. Le SNJ s’est attelé dès sa naissance à installer des sections syndicales dans toutes les entreprises de presse. A la fin de l’année 1998, 11 sections ont été installées au sein de 11 entreprises de la presse privée et 4 autres dans des régions. En prévision du congrès qui devrait se tenir au courant de l’année 1999, le travail de structuration se poursuit au niveau des radios publiques nationales et régionales et des contacts poussées sont en cours avec des journalistes de la télévision publique, de l’agence nationale de presse (APS) et de l’ensemble des autres quotidiens des secteurs public et privé. Le SNJ qui compte 400 adhérents prévoit de doubler voire tripler ce nombre avant la fin de l’année en cours. Le SNJ qui a introduit son dossier administratif de demande d’agrément est toujours en attente de sa reconnaissance par les pouvoirs publics. Le SNJ a également introduit un dossier de demande d’affiliation à la FIJ.

2.2. Grève de la faim des journalistes

Après avoir épuisé toutes les voies de recours pour être relogés dans un site sécurisé, des journalistes résidant à l’hôtel Mazafran de Zeralda, situé sur la côte ouest à une vingtaine de kilomètres d’Alger, entament le 2 juillet 1998 une grève de la faim illimitée pour protester contre la décision des pouvoirs publics de les transférer à l’hôtel Matarès de Tipaza, situé à plus de 70 kilomètres de la capitale, leur lieu de travail. L’absence de sécurité dans les environs de l’hôtel et sur la route qui y mène est la principale raison évoquée par les journalistes pour justifier leur refus de rejoindre ce site. Près de cent journalistes sont concernés. Quelques-uns, soutenus par leurs confrères, optent pour la grève de la faim comme ultime action.

Le SNJ qui venait juste d’être crée prend en charge cette affaire dès ses débuts en alertant les autorités sur sa gravité et en lançant un appel, largement suivi, pour le soutien des journalistes grévistes.

Des responsables de partis politiques et d’organisation nationales de la société civile, des parlementaires se rendent à l’hôtel Mazafran en signe de solidarité avec les journalistes grévistes. Le secrétaire général de l’Union générale des travaileurs algériens (UGTA) assure les journalistes grévistes de son total soutien.

Devant la dégradation de l’état de santé des journalistes grévistes de la faim et en l’absence de prise en charge sérieuse du dossier par les pouvoirs publics, le SNJ organise le 13 juillet un rassemblement à la Maison de la Presse Tahar Djaout, au centre d’Alger, pour exiger une solution urgente au problème. Les responsables du syndicat décident d’organiser deux autres rassemblements, le premier devant le siège du Premier ministère le 14 juillet et le deuxième le 15 juillet devant l’hôtel Mazafran à Zeralda appuyés par une grève des journalistes. La décision de boycotter la couverture des activités officielles est aussi prise.

Dans un communiqué daté du 13 juillet, la FIJ leur exprime « son soutien total et sa solidarité » et « interpelle toutes les parties concernées par ce problème pour trouver une solution qui garantisse autant la sécurité des journalistes que leur indépendance et leur dignité. »

Au bout de trois semaines de grève de la faim et une grande mobilisation soutenue de la corpopration, des éditeurs et d’organisations de la société civile et de partis politiques, les journalistes grévistes décident d’arrêter leur action après que les pouvoirs publics aient trouvé une solution en dégageant des chambres supplémentaires dans trois hôtels proches de la capitale.

Le SNJ, qui a joué un rôle déterminant dans ce mouvement de mobilisation et de protestation, salué par tous les observateurs, s’attèle, après avoir tiré les leçons de cette affaire, à poser la question du logement pour les journalistes de manière globale et essayer de trouver des solutions avec l’aide de toutes les parties concernées.

2.3. Sécurité des journalistes

Au plan de la sécurité des journalistes, l’année 1998 a été la première année depuis 1993, qui avait vu l’assassinat du premier journaliste algérien Tahar Djaout, durant laquelle l’on n’a eu à déplorer aucune atteinte physique violente contre un journaliste ou un travailleur des médias. Il est à rappeler que pendant cinq années de suite, les journalistes et les travailleurs des médias étaient ciblés individuelement et collectivement par les différents groupes terroristes intégristes : Groupes islamiques armés (GIA), Armée islamique du salut (AIS) et le Front islamique du djihad armé (FIDA). Ces agressions contres les journalistes et les médias se sont soldées par l’assassinat de 60 journalistes, 10 travailleurs des médias et un attentat destructeur et meurtrier à la bombe contre la Maison de la Presse Tahar Djaout, au centre d’Alger, le 12 février 1996.

En attendant le réglement du problème du logement, pris en charge par le SNJ, l’Etat continue d’assurer pour un grand nombre de journalistes l’hébergement dans des sites sécurisés.

2.4. Journalistes portés disparus

Quatre journalistes, Mohamed Hassaine du quotidien francophone privé Alger Républicain, Kaddour Bousselham du quotidien du soir du secteur public Horizons, Aziz Bouabdallah du quotidien arabophone privé El Alem Essyassi (Le Monde politique) et Djamil Fahassi de la radio nationale francophone Chaine III sont toujours portés disparus.

Selon les aveux de l’ « émir » du GIA d’Oran (ouest du pays), cité par le quotidien francophone privé El Watan du 2 juillet 1998, Kaddour Bousselham aurait été enlevé par un groupe terroriste du GIA dirigé par «l’ « émir » Slimale Lahbib puis égorgé après avoir été atrocement torturé. Il a été enterré quelque part dans la forêt de Stamboul, près de Mascara (ouest du pays). Kaddour Bousselham avait été enlevé au mois de mars 1994 à Hassine près de Mascara. Il vivait sous une tente avec sa famille après qu’un violent séisme eut détruit sa maison.

Selon des sources non confirmées, Djamil Fahassi serait en vie et réfugié dans un pays d’Europe. Son épouse, qui a rendu visite au Centre de la FIJ, dément ces rumeurs. Collaborateur de l’hebdomadaire francophone de l’ex-FIS Al Forkane (interdit), il avait été arrêté une première fois le 26 février 1992 avec les militants du FIS dissous et interné dans un camp du sud et libéré le 31 mars de la même année. Près de trois ans après, alors qu’il avait repris son travail à la radio, il est de nouveau porté disparu depuis le 8 mars 1995.

2.5. Atteintes à la liberté de la presse

Les harcèlements contre les journalistes et les médias n’ont, par contre, pas cessé.

5 janvier : M. Zoubir Souissi, directeur du quotidien francophone privé Le Soir d’Algérie, est condamné, sur plainte du ministre de la Jeunesse et des Sports, à 3 mois de prison avec sursis et une amende de 1500 dinars de dommages et intérêts au profit de la partie plaignante. La plainte pour outrage a été introduite après la publication d’un article dans lequel un correspondant local s’était trompé sur le montant de la subvention du ministère à un club local de football.

4 février : Le quotidien francophone privé La Tribune ne parait pas à l’est du pays. Pour « non paiement » selon la direction de la Société d’impression de l’est (SIE), « en violation des accords passés entre éditeurs et imprimeurs » selon la direction du journal.

11 février : Le collectif de l’hebdomadaire francophone régional privé Ouest Info décide de « suspendre de nouveau et provisoirement la parution du journal ». Cette décision est prise suite à « une série de pressions et d’intimidations (...) visant à faire taire Ouest Info » selon les termes du communiqué rendu public par le collectif.

19 février : La journée d’étude sur la loi sur l’information prévue à Constantine (est du pays) par le Centre d’Alger de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et une section locale des journalistes est interdite par les autorités locales sans notification écrite et sans motif valable.

11 mars : Un groupe de trois terroristes tente une attaque armée contre les locaux de l’hebdomadaire francophone privé Détective (édité à Oran, ouest du pays). L’attaque est déjouée par les agents de sécurité de la société éditrice. Les membres du groupe ont été arrêtés par les forces de l’ordre.

16 mars : Le journaliste Mourad Hadjersi entame une grève de la faim illimitée pour protester contre le « refus » du ministère de la Communication et de la Culture de lui délivrer l’agrément pour éditer une revue économique. Le jour-même, le ministère lui délivre l’agrément qu’il attendait depuis un an.

18 mars : La Coordination des rédactions (CDR) dénonce, dans un communiqué, la non association des journalistes aux débats organisés à Oran (ouest du pays) par le ministère de la Communication et de la Culture sur l’avant-projet de loi sur l’information. Tout en notant « le caractère biaisé de cette démarche » et « l’absence d’une réelle volonté d’ouverture d’un débat sérieux sur un texte de loi qui engage l’avenir de la liberté de la presse et de la liberté d’expression », la CDR décide d’ « entreprendre une initiative visant à permettre aux journalistes de s’exprimer sur la teneur de l’avant-projet ».

- M. Timothy Balding, directeur général de l’Association mondiale des journaux (AMJ), informe, dans une conférence de presse organisée à la fin de la visite de la délégation qu’il a conduite en Algérie, qu’une déclaration a été soumise par sa délégation au gouvernement algérien dans laquelle il est demandé le respect de l’indépendance de la presse et la promotion de la liberté d’expression et de la presse.

24 mars : Le quotidien francophone privé Le Jeune Indépendant est expulsé des locaux qu’il occupait depuis le 17 octobre 1997 à la Maison de la Presse Tahar Djaout (centre d’Alger).

16 avril : Le quotidien arabophone privé El Khabar (La Nouvelle) est interdit d’impression pour « motif commercial ». Dans une déclaration commune, les éditeurs de 9 quotidiens s’élèvent contre la décision de la Société d’impresion d’Alger (SIA) de ne pas imprimer le journal alors que les négociations entre éditeurs et imprimeurs sont encore en cours. Le 18 avril El Khabar est autorisé à paraitre.

27 avril : La revue arabophone privé pour jeunes Dounia (Monde)est interdite de paraitre sans qu’aucune notification justifiant cette décision n’ait été communiquée au collectif.

3 mai : Une rencontre débat sur les questions socioprofessionneles des journalistes prévue par la CDR pour la Journée mondiale de la liberté de la presse est interdite par la direction de la Maison de la Presse Tahar Djaout, sous tutelle du ministère de la Communication et de la Culture, sous prétexte d’absence d’agrément.

5 mai : Le journaliste Mounir Abi du quotidien francophone privé Le Soir d’Algérie est condamné par le tribunal d’Alger à 3 mois de prison, 1500 dinars d’amende et 30 000 dinars de dommages et intérêts au profit du Délégué exécutif provisoire (DEC-maire provisoire) de Birkhadem (proche banlieue à l’est d’Alger) pour un article paru au mois de septembre sur « la spoliation du patrimoine foncier de la commune ».

16 mai : Le journaliste indépendant, collaborateur du quotidien francophone privé Le Quotidien d’Oran et de la revue francophone privée Conjoncture, El Kadi Ihsane est inculpé par le tribunal d’Alger après avoir été interpellé le 13 mai à l’aéoroport international Houari Boumediène d’Alger et passé deux jours dans les locaux de la sûreté de Bab Ezzouar (proche banlieue, est d’Alger) pour une affaire qui date de 1993 (plainte pour « menaces et insultes » portée par le directeur général du quotidien francophone du secteur public Horizons). Les éditeurs indépendants des principaux quotidiens privés francophones et arabophones (El Khabar, Le Matin, Le Quotidien d’Oran, Le Soir d’Algérie, Liberté, El Watan, El Alem Essyassi, Le Jeune Indépendant, La Tribune, L’Authentique) réagissent le jour même en demandant, dans un communiqué, « la libération d’El Kadi Ihsane ».

27 mai : M. Zerhouni, chargé de l’arabisation par le Chef du gouvernement, s’en prend violemment, au cours d’un séminaire sur la généralisation de la langue arabe, aux journalistes et aux journaux nationaux francophones privés. « Cette presse, dira-t-il, n’est pas francophone, elle est française dans le fond et dans la forme. (...) Cette presse n’a rien à voir avec le peuple algérien, sa culture et ses traditions sauf le fait qu’elle est domiciliée en Algérie. (...) Pour (manipuler) elle utilise comme instrument la langue du colonisateur destructeur. (...) L’existence de cette presse francophone, concluera-t-il, est en nette contradiction avec la Constitution. » En signe de protestation contre ces propos jugés insultants et intolérables par les journalistes, le quotidien francophone privé Le Matin décide de boycotter les activités des membres du gouvernement dans son édition datée du samedi 30 mai.

31 mai : Le correspondant local de Mila (est du pays) du quotidien arabophone privé El Khabar (La Nouvelle)est condamné à 6 mois de prison ferme et 2000 dinars d’amende sur plainte de l’administration locale à propos d’une affaire de disparition de passeports de pélerins.

15 juin : Des journalistes résidant à l’hôtel Mazafran de Zéralda (ouest d’Alger) sont sommés de quitter leurs chambres sécuritaires pour d’autres hôtels plus éloignés en raison de « travaux de restauration ».

16 juin : Touhami Madjouri, journaliste du quotidien arabophone privé El Alem Essyassi (Le Monde politique) est arrêté à l’aéroport international d’Alger au moment où il s’était rendu pour réceptionner un colis de livres. Il est libéré le lendemain après avoir été interrogé par la police sur le contenu d’un des ouvrages.

2 juillet : Les journalistes résidant à l’hôtel Mazafran entament une grève de la faim illimitée en signe de protestation contre la décision d’évacuation de leur hôtel vers d’autres sites.

12 juillet : Le correspondant local de Maghnia (ouest du pays) du quotidien francophone El Watan est entendu pour la deuxième fois par le juge d’instruction près le tribunal de Tlemcen (ouest du pays) pour un reportage paru le 8 février sur « la population de Tlemcen face au terrorisme et la résistance des citoyens ».

- Après quatre numéros publiés, l’hebdomadaire francophone privé El Borhane (La Preuve) est empêché de paraître par la Société d’impression d’Alger (SIA) sous pretexte qu’il aurait dû être imprimé par l’imprimerie « El Moudjahid ». 16 juillet : Plusieurs journaux ne paraissent pas en signe de solidarité avec les journalistes grévistes de l’hôtel Mazafran.

18 juillet : Rassemblement de journalistes à la Maison de la Presse Tahar Djaout (centre d’Alger) en signe de soutien à leur confrères grévistes de la faim de l’hôtel Mazafran.

23 juillet : Après 21 jours de grève de la faim, les journalistes grévistes de l’hôtel Mazafran mettent fin à leur action après qu’une solution alternative ait été dégagée par les pouvoirs publics pour régler le conflit.

5 août : Le quotidien arabophone Saout El Ahrar (La Voix des Libres), organe du parti du Front de libération nationale (FLN) licencie plusieurs journalistes et techniciens grévistes.

9 août : Les quotidiens francophones privés Le Matin et El Watan et arabophone privé El Khabar ne paraissent pas à l’est du pays. C’est du à « une panne du press-fax » affirme le directeur de la Société d’impression de l’est (SIE). « Panne politique? », s’interroge El Watan qui rappelle que les trois journaux ont fait état de l’affaire de l’universitaire Ali Bensaâd condamné à mort par le tribunal de Constantine (est du pays) pour « terrorisme » et qui apporte les preuves de son innocence.

24 septembre : M. Benchicou, directeur du quotidien francophone privé Le Matin est jugé par le tribunal d’Alger pour trois plaintes pour « diffamation » déposées par le quotidien francophone du groupe de presse privé de M. Betchine L’Authentique et le quotidien arabophone El Açil (L’Authentique version arabe) appartenant au groupe de presse privé de M. Betchine.

30 septembre : M. Benchicou, directeur du quotidien francophone privé Le Matin est condamné par la chambre correctionnelle du tribunal d’Alger à 4 mois de prison avec sursis et au versement de 18 millions de dinars de dédommagement au quotidien francophone L’Authentique appartenant au groupe de presse privé de M. Betchine.

14 octobre : Les quotidiens francophones privés Le Matin, El Watan, Le Soir d’Algérie, La Tribune et le quotidien arabophone privé El Alem Essyassi (Le Monde politique) sont sommés par les imprimeries d’Etat d’Alger, d’Oran (ouest du pays) et de Constantine (est du pays) de régler tous leurs arriérés dus au titre des années 1996 et 1997 dans les 48 heures sous peine de suspension.

17 octobre : Les quotidiens francophones privés Le Matin, El Watan, Le Soir d’Algérie, La Tribune sont empêchés de paraitre par les imprimeries d’Etat après qu’un ultimatum leur eut été adressé le 14 octobre.

- En guise de protestation contre la suspension par les imprimeries d’Etat des quatres journaux, les quotidiens arabophones privés El Khabar, El Alem Essyassi se joignent à eux par solidarité.

8 vovembre : Après une grève de 24 jours, les quotdiens arabophone privé El Khabar et francophones privés Le Quotidien d’Oran et Liberté reparaissent.

15 novembre : Devant le refus persistant des imprimeries d’Etat de le sortir, le quotidien francophone privé Le Matin est imprimé chez un imprimeur privé.

22 décembre : Après 52 jours d’interdiction d’impression sur les imprimeries d’Etat, le quotidien francophone privé Le Matin est de nouveau imprimé par ces entreprises après négociations entre la direction du journal et les responsables des imprimeries.

30 décembre : Le tribunal d’Alger déboute la direction et le collectif du journal arabophone El Açil (L’Authentique version arabe) appartenant au groupe de presse privé de M. Betchine qui avaient déposé plainte pour « allégation diffamatoire » après la publication, au mois d’août, d’un pamphlet de M. Benchicou, directeur du quotidien francophone privé Le Matin , intitulé « Rentrez vos chiens, M. Betchine! ». La plainte avait été introduite en soutien à l’action en justice intentée par la direction et le collectif du quotidien L’Authentique contre M. Benchicou.

2.6. Interdiction de parution de journaux algériens

Le mercredi 14 octobre 1998, les quotidiens francophones privés Le Matin, El Watan, Le Soir d’Algérie, La Tribune et arabophone privé El Alem Essyassi (Le Monde politique) recoivent un ultimatum des imprimeries d’Etat d’Alger (« El Moudjahid » et SIA), d’Oran (SIO - ouest du pays) et de Constantine (SIE - est du pays) les sommant de payer tous leurs arriérés dus au titre des années 1996 et 1997 dans les 48 heures sous peine de suspension. Le vendredi 16 octobre, les imprimeries font savoir à trois quotidiens (Le Soir d’Algérie, La Tribune et El Alem Essyassi) sur les cinq qu’ils peuvent tirer normalement moyennant le paiement même d’une somme « symbolique ». Ces derniers refusent cette « offre » et se solidarisent avec les deux quotidiens réellement visés par cette mesure, Le Matin et El Watan. Les cinq journaux ne paraissent pas le samedi 17 octobre. Les quotidiens francophone privé Liberté et arabophone privé El Khabar, non concernés par le problème, suivis plus tard par le quotidien francophone privé Le Quotidien d’Oran, décident de suspendre volontairement leur parution en signe de solidarité avec leurs confrères. La suspension devient ainsi une grève illimitée de sept quotidiens privés.

L’ultimatum lancé par les imprimeries d’Etat, la veille du week-end, répond-il à des considérations purement commerciales ? L’opinion la plus largement répandue alors répond par la négative. Qu’en est-il exactement de ce problème ? Il faut rappeler un certain nombre de faits pour en saisir toute la complexité :

- Depuis janvier 1998, les journaux privés, ou, du moins, ceux qui ont été suspendus s’acquittent intégralement de toutes les factures qui tombent à échéance pour les prestations fournies au cours de cette année.

- S’agissant du passif des années 1996 et 1997 (réclamé en urgence par les imprimeries), les deux parties (éditeurs privés et imprimeurs d’Etat) se sont entendues sur un échéancier pour son réglement. Ce passif est né d’un conflit commercial entre les deux parties sur le coût d’impression. Durant les négociations qui ont duré deux ans (1996 et 1997) sur le coût d’impression, les éditeurs avaient décidé de ne payer que 80 % du prix exigé par les imprimeurs en attendant qu’un accord définitif soit trouvé. L’accord finalement conclu en avril 1998 prévoit d’étaler le paiement de ce passif jusqu’au 31 décembre 1998.

- Les journaux visés par cette suspension ne sont pas nécessairement ceux dont les dettes sont les plus importantes. On sait par contre qu’ils sont les plus importants clients des imprimeries et leur permettent de réaliser l’essentiel de leur chiffre d’affaires.

- Enfin, et c’est le plus important, la décision des imprimeries d’exiger le paiement de leurs créances intervient quelques heures après que le ministre de la Communication et de la Culture ait déclaré que le gouvernement ne resterait pas « inactif » après qu’ El Watan ait publié des accusations graves portées par un groupe de magistrats ayant gardé l’anonymat contre le ministre de la Justice.

Tout le monde s’accorde à situer cette affaire dans le domaine politique. Sinon comment expliquer que l’imprimerie « El Moudjahid » ait refusé, mercredi 21 octobre, le chèque qui lui a été remis par le quotidien Le Matin pour le règlement de ses dettes ?

Cette suspension est intervenue dans une conjoncture politique mouvementée, marquée par l’annonce des élections présidentielles anticipées. Les deux quotidiens visés ont publié une série d’articles et d’entretiens contenant des accusations très graves mettant en cause le plus proche collaborateur du président de la République dans un premier temps et le ministre de la Justice par la suite. L’un et l’autre ont fini par démissionner.

Un large mouvement de solidarité nationale et internationale avec la presse s’est enclenché, émanant aussi bien les partis politiques que des citoyens.

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) s’est engagé en force dans cette affaire « qui porte atteinte aux libertés d’expresion et de la presse et met en danger l’outil de travail de dizaines d’employés. » Il y a joué un rôle déterminant en mobilisant journalistes, classe politique, société civile et citoyen.

2.7. Solidarité internationale

Dans un texte-pétition intitulé « Un cri pour libérer Pius Njawé » rendu public le 19 mai 1998 dans les principaux quotidiens algériens, plus d’une centaine de journalistes s’élèvent contre la condamnation à une année de prison ferme du directeur du quotidien Le Messager, le camérounais Pius Njawé emprisonnée pour avoir porté à la connaissance de l’opinion publique une information concernant l’état de santé du président Pau Biya. Les journalistes algériens qui estiment que « la lutte pour la liberté d’expression est le combat de toute l’Humanité » demandent la libération de leur confrère.

2.8. Politique des visas

Beaucoup de médias et d’organisations internationales de défense de la liberté de la presse se plaignent de la politique restrictive des autorités algériennes en matière de délivrance de visas d’entrée au territoire national même si ces dernières rejettent ces accusations et donnent des chiffres: en 1998, 626 journalistes (377 journalistes soit 60 % pour la couverture des grands événements et 249 soit 40 % pour la couverture en dehors des grands événements) d’une quarantaine de pays représentant 361 organes entre presse écrite et audiovisuelle ont été accrédités.

Il faut aussi relever que les journalistes algériens éprouvent toujours beaucoup de difficultés à obtenir des visas d’entrée dans les pays européens même lorsque les conditions draconniennes imposées par les ambassades de ces pays sont remplies. A titre d’exemple, le coordinateur du Centre de la FIJ d’Alger qui devait se rendre aux Etats-Unis à l’invitation de l’International Crisis Group pour un colloque a raté son voyage parce que l’ambassade de Belgique à Alger lui a refusé le visa de transit alors qu’il était en possession du visa d’entrée pour les Etats-Unis, de son billet d’avion Bruxelles-Washington et de tous les éléments du dossier. Dans un sens comme dans l’autre, une politique plus souple de délivrance de visas aux journalistes permettrait à ces derniers de mieux faire leur travail.

3.1. La loi sur l’information et la loi sur la publicité

La nouvelle loi sur l’information qui devait être adoptée par l’Assemblée populaire nationale (APN), après son adoption par le gouvernement, en sa session d’autome 1998, reportée pour la session de printemps, est toujours en attente sur le bureau du parlement. Elle ne le sera probablement, si elle n’est pas remise en cause, qu’après les élections présidentielles d’avril 1999. L’actuel ministre de la Communication et de la Culture a laissé entendre qu’il préférait un code de l’éthique et de la déontologie à une loi sur l’information. On parle aussi de la possible suppression du ministère de la Communication.

La nouvelle loi prévoit en effet la mise en place d’un Conseil supérieur de la communication (CSC). Elle devrait aussi permettre l’ouverture du secteur audiovisuel au privé. La nouvelle loi sur la publicité qui devrait mettre fin au monopole de l’Etat sur la publicité institutionnelle est également en attente d’être adoptée par l ’assemblée.

L’accès à Internet n’est plus depuis la publication au journal officiel du mois d’août 1998 du décret exécutif N° 98-257 du 25 août 1998 du domaine exclusif de l’Etat. La possibilté est désormais donnée à des fournisseurs privés (providers) de s’installer. L’année 1999 sera sûrement l’année du début du développement du réseau des réseaux en Algérie.

III) CONCLUSION

Les problèmes rencontrés par la presse algérienne en 1998 sont révélateurs de ses forces et de ses faiblesses. La forte détermination des journalistes algériens à se battre contre toutes formes de pressions pour une plus grande liberté de la presse est, indéniablement, un atout important pour l’avenir. Il est tout aussi indéniable que cette détermination, seule, ne suffit pas et il est demandé aujourd’hui à la presse algérienne de se donner les moyens de son combat pour la liberté. Le conflit éditeurs-imprimeurs a montré la fragilité des entreprises de presse aux plans financier, managérial et organisationnel et rien ne dit que des conflits de ce type ne vont pas se renouveler. La promesse du gouvernement d’abolir le monopole de l’Etat sur la publicité publique et institutionnelle pourrait constituer une solide protection contre les tentatives d’étouffement financier des entreprises de presse.

IV) ANNEXES

SEMINAIRE REGIONAL SUR LA FORMATION ET LA COOPERATION ENTRE JOURNALISTES MAGHREBINS (ALGER 29-31 MAI 1998)

Les participants au Séminaire régional de la FIJ organisé à Alger les 29, 30 et 31 mai 1998 :

Se félicitant de l’opportunité de se rencontrer entre professionnels des médias du Maghreb, tout en regrettant l’absence des représentants des autres pays de la région,

Reconnaissant l’importance des syndicats de journalistes indépendants et représentatifs,

Se félicitant de l’initiative de la Coordination des rédactions de créer un syndicat de journalistes en Algérie,

Souhaitent que les journalistes, dans chacun des pays du Maghreb, aient un accès plus large et plus libre aux médias des pays voisins,

Réaffirment leur soutien au Centre de la FIJ d’Alger et proposent le programme d’activité suivant dans le but de promouvoir le professionnalisme et la coopération entre les journalistes du Maghreb :

1) Le Centre de la FIJ d’Alger devrait organiser des séminaires notamment sur :

- Droits d’auteurs pour les journalistes : normes internationales, contrats de travail et conventions collectives; - Indépendance éditoriale : le rôle des chartes éditoriales;
- Droits des journalistes free-lance : statuts professionnels et conditions de travail;
- Déontologie et indépendance des journalistes;
- Libertés publiques et droits de l’Homme;
- Dualité et cohabitation presse publique/presse privée;
- Relation Union européenne-Maghreb.

Chaque fois que cela est possible, ces séminaires devraient être organisés avec la participation des syndicats maghrébins membres de la FIJ.

2) Le Centre de la FIJ d’Alger en collaboration avec les syndicats membres de la FIJ dans la région, notamment le SNPM (Syndicat national de la presse marocaine) devrait organiser un programme de développement syndical pour les journalistes algériens axant sur les campagnes d’adhésion et d’organisation et les négociations collectives.

3) Le Centre de la FIJ devrait établir un centre de documentation devant comprendre toute la documentation de la FIJ sur les droits des journalistes ainsi que les publications relative à la formation des journalistes.

4) La FIJ ainsi que ses syndicats membres dans la région devraient mettre en place un réseau électronique dans le but d’échanger les informations sur l’évolution des médias.

5) Le Centre de la FIJ devrait installer un site web pour les journalistes du Maghreb.

6) La FIJ devrait lancer une édition maghrébine de DirectLine en colaboration avec le Centre d’Alger et le représentant du comité exécutif dans la région. Cette lettre d’information mensuelle devrait être publiée sur le site web du Centre de la FIJ d’Alger et comprendrait des articles préparés par les autres membres de la FIJ dans la région. Cette édition devra être distribuée aux journalistes dans chaque pays de la région.

Concernant la formation des journalistes, les participants réaffirment le besoin de structures de formation adéquates et :

Appellent les entreprises de presse à investir dans davantage de formation pour les journalistes et à offrir des opportunités de formation régulière à leurs personnels et free-lances;

Appellent les instituts de formation de journalistes et les entreprises de presse dans la région à plus d’efforts pour introduire plus de stages pratiques pour les étudiants en journalisme;

Appellent les instituts de formation dans la région à établir des comités consultatifs comprenant des professionnels des médias pour conseiller sur les développements pédagogiques et les besoins de formation des journalistes.