Les journalistes européens ont besoin du « droit d’auteur à la française »



Dans la perspective de la transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins en France, mission a été confiée par le ministre de la Culture au conseiller d’Etat Raphaël Hadas-Lebel de rédiger une note de synthèse sur la « cession des droits d’auteurs salariés aux entreprises qui les emploient ». Nous tenons à souligner le danger que représenterait l’introduction en droit français d’une disposition qui renierait de manière fondamentale la tradition française en matière de protection des droits d’auteurs.

Nous estimons qu’une cession globale des droits d’auteurs des journalistes salariés à leur employeur, contraire aux fondements historiques du droit d’auteur à la française, qui est un droit de la personnalité reconnu depuis 1789, et contraire au statut du journaliste professionnel mépriserait la qualité même de notre profession, compromettant les moyen de subsistance et la liberté d’expression de nos confrères français.

La Convention de Berne relative aux droits d’auteur, dont la France est l’une des signataire, offre aux auteurs une juste rémunération pour leur création intellectuelle. Signalons que ce système de rémunération est régulièrement pris en exemple par les États membres de l’Union européenne. En outre, la tradition française en matière de droit moral permet aux auteurs de conserver un droit de regard sur l’utilisation de leurs œuvres, protégeant ainsi l’intégrité de leur travail, garantissant la qualité et la rigueur dans l’utilisation de celui-ci.

La France a su jouer un rôle moteur dans la protection de la créativité au niveau européen. A bien des égards, la législation française a servi, et sert encore de pôle de référence en la matière. L’adoption de modifications législatives telles que celles qui sont suggérées par la lettre de mission du ministre de la Culture porterait un grave préjudice à la réputation que ce pays a su gagner à juste titre depuis de nombreuses années.

Enfin, la Directive européenne sur les droits d’auteur et droits voisins ne contient aucune disposition transférant la globalité des droits des auteurs salariés à leur employeur. La transposition de celle-ci en droit français apparaît donc comme une occasion, voire un prétexte pour modifier la loi dans le sens exigé par certains éditeurs de presse, dépités de voir les tribunaux leur donner systématiquement tort face aux journalistes qui ne demandent que l’application des textes en vigueur. Est-il moral, lorsqu’un joueur perd et triche constamment, de changer les règles en cours de partie simplement pour lui donner satisfaction ?

Nous, secrétaires généraux des syndicats de journalistes européens et des Etats-Unis, nous associons à l’action menée par nos confrères et, plus généralement, tous les créateurs français afin d’empêcher ces modifications législatives et de laisser les auteurs français jouir de leurs droits reconnus par la loi et consacrés par la jurisprudence.


Aidan White, Secrétaire Général, Fédération Internationale des Journalistes (FIJ)

Gustl Glattfelder, Vice Président, Deutscher Journalisten Verband (DJV), Allemagne, Président de la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ)


Agneta Lindblom Hulthén, Secrétaire Générale, Journalist Förbundet (SJF), Suède

Jeremy Dear, Secrétaire Général, National Union of Journalists (NUJ), Royaume Uni

Mogens Blicher Bjerregård, Secrétaire Général, Dansk Journalistforbund (DJ), Danemark

Paolo Serventi Longhi, Secrétaire Général, Federazione Nazionale Stampa Italiana (FNSI), Italie

Jonathan Tasini, Président, National Writers Union, (NWU), Etats-Unis

Martine Simonis, Secrétaire nationale, Association Générale des Journalistes Professionnels de Belgique (AGJPB), Belgique

Carmen Rivas Avilas, Responsable Agrupación Periodistas CC.OO., Espagne

Alexander Baratsits-Altempergen, Sektion Journalisten der Gewerkschaft Druck, Journalismus, Papier, (DJP), Autriche

Hubert Engeroff, Secrétaire Général, Deutscher Journalisten Verband (DJV), Allemagne