A l'occasion de l'Assemblée Générale de la Fédération européenne des
journalistes à Verviers, Belgique, Mme Fadila Laanan, Ministre de la Culture, de
l'Audiovisuel, de la Santé et de l'Égalité des Chances de la Fédération
Wallonie-Bruxelles, a expose ses vues sur ‘le journalisme en tant que bien
public'.
Verviers, le 13 mai 2013
Monsieur le Bourgmestre,
Messieurs les Président et Vice-président,
Monsieur le Secrétaire général adjoint,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très honorée d'avoir le plaisir de participer à l'ouverture de votre
assemblée. La présence du politique est d'abord l'expression d'un respect et
d'une reconnaissance pour votre travail. C'est aussi le reflet d'une nécessaire
collaboration pour assurer l'existence d'un cadre législatif, réglementaire et déontologique
qui vous permette d'assurer votre métier en toute indépendance, dans des
conditions économiques dignes.
Je veux saluer particulièrement votre engagement solidaire entre journalistes
de tous pays. Dans certains Etats, défendre le travail des journalistes c'est
d'abord défendre l'existence même d'un vrai journalisme, libre et protégé des
agressions illégitimes des différents pouvoirs, qu'ils soient politiques,
judiciaires, économiques ou même mafieux.
Face à certaines réalités nationales, ou régionales, cette solidarité internationale
est vitale. C'est le premier des remparts contre l'oppression de la presse
libre, la première protection de la démocratie politique, économique et
sociale. Car souvent, là où les journalistes sont persécutés, d'autres
catégories de travailleurs sont exploitées, et les populations voient leurs
droits humains fondamentaux bafoués.
L'attitude de l'Etat face aux journalistes est en cela un excellent indicateur
de la démocratie et du respect des libertés fondamentales dans un pays.
En Europe, et en Belgique francophone en particulier, je tiens aussi à saluer
ce travail de solidarité et de revendications communes en faveur des droits
sociaux des journalistes, de leursmoyens d'existence et des conditions
nécessaires à l'exercice de leur métier.
Les questions liées à la plus grande précarisation du métier sont parfois
réduites à la question de l'évolution de la presse et des médias. Les modes de
consommation de l'information comme l'explosion de la production et son traitement
par tout un chacun, notamment via les médias sociaux, sont parfois un prétexte
pour niveler par le bas le travail de ceux qui ont la charge de traiter et d'interpréter
l'information.
Ce contexte, qui nuit à la qualité du journalisme, convient bien entendu à
ceux qui voient le citoyen d'abord comme un consommateur.
Le thème de votre assemblée générale, « le journalisme comme bien public »,
est une réponse à cette vision consumériste du traitement de l'information. En
cela, c'est une démarche véritablement politique, au sens noble du terme, que
vous menez. Une démarche indispensable, car elle touche directement aux
questions fondamentales des droits de l'homme et aux moyens de les exercer.
Pour l'anecdote, s'il y eu en Belgique, au XIXe Siècle, un journal catholique
baptisé « le Bien public », le journal français du même nom et qui œuvre en
Bourgogne avait comme devise à ses débuts : «Penser, agir, servir l'intérêt
général en toute indépendance, défendre un idéal commun au-dessus d'étiquettes
politiques ou de polémiques stériles ».
Mesdames, Messieurs,
Cette devise illustre une grande part de votre tradition. Défendre une tradition
apparaît aux yeux de certains comme un conservatisme. Alors qu'en réalité, une
tradition vit et s'adapte en permanence aux réalités sociales et économiques.
Or, la plupart des questions liées à l'exercice du métier de journaliste
mettent en question les règles fondamentales du journalisme. Sécurité des
journalistes, déontologie, crise de la presse quotidienne papier, instabilité
des contrats, modération des forums de lecteurs.
Toutes ces questions font échos aux valeurs fondamentales qui vous animent :
l'éthique, l'esprit de recherche de la vérité ou de ce qui donne du sens à une
opinion ou à un fait, l'indépendance éditoriale...
Ces valeurs sont les nôtres, celles de tous les démocrates. L'engagement de vos
syndicats dépasse donc très largement celui des préoccupations d'une catégorie
sectorielle de travailleurs.
Le paradoxe reste que la communication ou l'information sur le sort des
journalistes eux-mêmes et donc sur votre travail syndical n'est pas toujours
répercuté dans les médias alors que l'enjeu est bien plus large comme on l'a
vu.
Aussi, et j'en terminerai par là, je souhaite plein succès à vos travaux et
surtout que l'écho de vos combats s'entende aux quatre coins de l'Europe et
dans quelques semaines aux quatre coins du monde lors du prochain congrès de la
FIJ.
Bon travail !