La Fédération Internationale des Journalistes a vivement dénoncé aujourd’hui la violence verbale et la logique de harcèlement du directeur de publication de La Nouvelle Expression, M. Séverin Tchounkeu, dirigées contre les représentants des journalistes au sein de ce quotidien camerounais.
« En refusant péremptoirement le principe même d’une élection des représentants des journalistes, et en sanctionnant les responsables syndicaux, M. Tchounkeu met en péril la crédibilité même de son quotidien » a déclaré Aidan White, Secrétaire Général de la FIJ. « Il ne peut y avoir de liberté d’expression si les journalistes n’ont pas les moyens de défendre leur indépendance éditoriale et leur droit à des conditions de travail leur permettant d’exercer librement leur profession ».
La FIJ a exprimé son total soutien au Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), qui s’est déclaré « indigné par la violence particulière avec laquelle le directeur de la La Nouvelle Expression s’est adressé aux journalistes », lors d’une « réunion de service » le 14 mai 2005. Ces invectives auraient été tenues en réaction à l’organisation, le 29 avril 2005, de la toute première élection de délégués du personnel dans ce groupe de presse depuis sa création en février 1991. L’élection était présidée par la secrétaire générale du quotidien, Henriette Ekwe, également éditorialiste dans ce journal.
Au cours de ladite « réunion de service », Séverin Tchounkeu, le directeur de publication du quotidien La Nouvelle Expression aurait dispensé, d’après le syndicat, un « cours magistral de droit du travail », cherchant à démontrer combien était illégale cette élection qui a conduit à la désignation de Suzanne Kala Lobè et Edmond Kamguia Koumchou comme déléguée du personnel et suppléant.
A la suite de cette réunion, un communiqué du directeur de publication « invalidant » les élections a été publié dans le quotidien quelques jours plus tard. La secrétaire générale du quotidien, Henriette Ekwe, a ensuite été (verbalement) suspendue de ses fonctions ; de même que Jean-Marc Soboth, éditorialiste, qui est également le directeur sans portefeuille « des études, du développement et des relations internationales » au quotidien.
« M. Soboth est sanctionné parce qu’il est le président national du SNJC et qu’il a osé faire élire des délégués de personnel dans cet établissement » a déclaré Aidan White. « ll s’agit de l’une des plus grave attaques contre la liberté syndicale enregistrée par la FIJ cette année ».
Dans la foulée, Julien Chongwang, le journaliste qui a fait un compte-rendu de cette élection dans le quotidien s’est vu vertement demandé de quitter la maison et de ne plus y revenir. Enfin, un activiste du SNJC, chef de la rubrique économique du journal, Gilbert Tchomba, secrétaire national aux affaires économiques et aux statistiques du SNJC, a été interdit de tout accès à l’entreprise, officiellement pour des démêlés qu’il aurait eus, des semaines avant, avec un collègue, lesquels n’avaient même pas fait l’objet d’une simple demande d’explication de la part de la hiérarchie du journal.
Le SNJC précise que la lettre de la loi n°92/007 du 14 août 1992 introduisant le code du travail au Cameroun dispose (chapitre III des Délégués de personnel, article 122 alinéa 1) que : « des délégués du personnel sont obligatoirement élus dans les établissements installés sur le territoire national, quelle qu’en soit la nature et quel que soit l’employeur, public ou privé, laïc ou religieux, civil ou militaire, où sont habituellement occupés au moins vingt (20) travailleurs (…) ».
Le syndicat rappelle que nonobstant cette disposition, le « spécialiste du droit du travail » de La Nouvelle Expression - dont le journal est passé de trihebdomadaire à quotidien en octobre 2004 sur une simple annonce assortie de menaces de licenciement, sans aucune mesure sociale d’accompagnement - n’a jamais songé à organiser des élections des délégués du personnel depuis la création de son journal en 1991. Les élections avaient finalement été organisées in extremis, c’est-à-dire le dernier jour ouvrable avant la date butoir prescrite par la lettre circulaire du ministre du Travail et de la sécurité sociale (Mintss), le Pr. Robert Nkili (Lettre circulaire n° 011/Mintss/Sg/Dt/Sdrp/Siop du 29 décembre 2004).
De plus, une partie des employés de cet établissement n’a toujours pas été déclarée à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) alors que les autres ne l’ont été qu’il y a très peu. Le SNJC a déjà entrepris avec l’un de ses avocats, Me Albert Eloundou Eloundou, des poursuites judiciaires pour entraves à la liberté du travail, à la liberté et au droit syndical, ainsi qu’une action en diffamation.
La FIJ et le SNJC se félicitent de l’initiative du Free Media Group (Pius N. Njawe), éditeur du Messager, le plus important des quotidiens de la presse indépendante camerounaise, qui a organisé des élections de délégués de personnel sans histoire.
La FIJ et le SNJC s’inquiètent toutefois de ce que cette offensive suspecte du directeur de publication de La Nouvelle Expression intervienne au moment même où le Ministère du Travail et de la sécurité sociale (Mintss) élabore la commission appelée à discuter son projet de convention collective nationale des journalistes du Cameroun.
La FIJ appelle La Nouvelle Expression à assumer ses responsabilités face au droit fondamental de représentation des journalistes et à contribuer à une logique de dialogue et de solidarité avec les partenaires sociaux.
Voir également
Cameroun: lettre de la DJV au directeur de publication de La Nouvelle Expression
Pour plus d’information ou contacts au Cameroun, vous pouvez appeler le +32 2 235 22 06
La FIJ représente plus de 500,000 journalistes dans plus de 110 pays