La Fédération internationale des journalistes a condamné aujourd’hui l’assassinat de l’éditorialiste de renom Samir Kassir, travaillant pour le journal An Nahar, qui a été tué dans l’explosion de sa voiture à Beyrouth (Liban).
Dans la matinée, Kassir a été tué par l’explosion d’un engin placé sous le siège avant de sa voiture qui se trouvait dans le quartier chrétien d’Achrafieh. L’attentat est intervenu quatre jours après le début des élections législatives qui doivent se prolonger jusqu’au 19 juin.
« Samir était un véritable allié de la liberté d’expression et ceux qui sont derrière ce meurtre doivent être traduits en justice », a dit Aidan White, secrétaire général de la FIJ. « Il semble qu’il ait été visé pour des raisons politiques ».
Dans son dernier éditorial, qui est paru à la une d’An Nahar vendredi dernier, Kassir critiquait le manque de volonté de la Syrie de mettre en œuvre des changements rapides, affirmant : « Pour les Baassistes au pouvoir, la réforme ne signifie pas l’acceptation d’opinions divergentes. (..) Les changements considérables dans la région, de l’Irak au Liban, ne les amènent qu’à mettre en garde contre le danger américain sans se demander une minute comment se prémunir contre ce danger ».
Kassir est la personnalité » libanaise la plus importante a avoir été tuée depuis l’assassinat le 14 février dernier de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri qui a plongé le pays dans la crise politique la plus grave qu’il ait connue depuis la guerre de 1975-1990.
Les mouvements anti-syriens ont immédiatement pointé du doigt damas et ses alliés libanais, rendus responsables de l’assassinat, suggérant l’implication du président soutenu par la Syrie Emile Lahoud.
« Les journalistes du monde entier exigent que les mesures soient prises immédiatement pour trouver les assassins et les traduire devant la justice », a dit White. « C’est une agression intolérable contre le mouvement pour la réforme démocratique, non seulement au Liban mais dans l’ensemble du monde arabe. »
Kassir rédigeait des éditoriaux depuis dix ans pour An Nahar et était marié avec Gisèle Khoury, également journaliste libanaise réputée travaillant pour Al-Arabiya et vivant actuellement aux Etats-Unis. Il était bien connu pour ses positions anti-syrienne et ses critiques de l’État policier libanais. Depuis plusieurs années, il avait fait l’objet d’un harcèlement policier et subissait des menaces.
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<center>Témoignage à Samir Kassir</center>
Journaliste connu et apprécié à Paris, Samir Kassir aurait pu choisir le confort d’une carrière parisienne déjà toute tracée. Mais au lendemain de la guerre civile qui avait déchiré le Liban de 1975 à 1990 à laquelle il avait consacré un livre, ce Franco-Libanais décide de quitter la France pour retrouver sa patrie d’origine et contribuer à sa reconstruction avec ce qu’il a de meilleur : son indépendance d’esprit et son exigence sourcilleuse d’une information libre.
Rapidement, Samir devient l’une des plumes les plus acérées du Liban. Le conformisme n’est pas sa tasse de thé. En 1996-1997, alors que le philosophe Roger Garaudy, qui vient de commettre un essai révisionniste frisant l’antisémitisme, ce dernier est acclamé comme un héros dans le monde arabe, notamment au Caire et à Beyrouth. Mais Kassir, authentique nationaliste arabe et homme de gauche, met en garde ses amis contre ces alliances douteuses. Dans l’ambiance survoltée du moment, c’était un authentique acte de courage : incompris de ses amis, lâchés par d’autres intellectuels pensant comme lui, mais n’osant pas l’exprimer, Samir Kassir ne s’est pas démonté et a défendu ses positions.
C’est ce même courage que l’on verra à l’œuvre lorsqu’après le retrait israélien du Liban Sud, Kassir publie éditorial après éditorial pour mettre en cause la pusillanimité du pouvoir libanais, et notamment du président Lahoud, face à la mainmise syrien qui vient de perdre avec le retrait israélien le prétexte à son maintien au Liban. Furieux, les services de sécurité libanais, contrôlés par les Syriens, commencent à le harceler. Il va même effectuer un court séjour dans les geôles de la Sûreté libanaise. Libéré grâce à une campagne internationale et à la vive émotion que sa détention a suscité au Liban, Samir racontait avec humour cette période, notamment la façon dont il avait réussi à déjouer une filature des services spéciaux libanais en mettant en œuvre une technique vue dans une série télévisée américaine.
Samir était un journaliste engagé, non seulement dans la politique libanaise, mais dans la défense des principes professionnels. Chaque fois que je le rencontrais, il me demandait comment faire pour mettre sur pied un véritable syndicat de journalistes qui serait reconnu par la FIJ, et non une organisation corporatiste dirigée par un patron de presse faisant fonction de syndicat unique et quasi obligatoire.
Au jour de son assassinat, c’est ce message que je voudrais transmettre de sa part à tous ses amis de la FIJ.
Olivier Da Lage
Syndicat National des Journalistes (SNJ)
