GUIDE POUR L’INDÉPENDANCE ÉDITORIALE - Syndicat des Agents de l’information (SAINFO), NIGER

INTRODUCTION


La démocratisation de la vie publique du Niger dans les années 90 a considérablement élargi les espaces de libertés à travers un pluralisme politique longtemps souhaité et une volonté manifeste d’appropriation de la parole au sein d’une presse à voix multiples qui a contribué à agrandir et à renforcer les bases de cette démocratisation. D’où l’émergence de toute une kyrielle de journaux, de radios et télévisions privées dans les grands centres urbains, et la floraison de radios communautaires dans les aires agropastorales.

La multiplication de ces cadres d’expression a incité l’Etat dont le monopole a été largement entamé, à réaménager le cadre administratif et juridique pour réglementer voire assainir le nouvel espace médiatique en adoptant une nouvelle législation de la presse dont l’objectif avoué est de prémunir le gouvernement nigérien contre d’éventuels dérapages de la presse dite «indépendante».

Bien que validée depuis 1998, cette législation suscite aujourd’hui encore bien des controverses. C’est pourquoi, le Syndicat des Agents de l’information (SAINFO) a jugé nécessaire d'organiser – en collaboration avec la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) et l’appui financier de LO -TCO Suède, un séminaire-atelier de formation et de sensibilisation pour permettre aux différents corps de métier des médias publics et privés d’en avoir une meilleure compréhension, dans la perspective d’une application adéquate de certaines de ses dispositions.

Le présent ouvrage, condensé des exposés et débats de ce séminaire, vise à aider les journalistes nigériens à comprendre et à mieux assimiler les dispositions de la loi sur la presse ; à prendre toute la mesure de leurs responsabilités dans la collecte, le traitement et la gestion des informations ; à s’assumer pour mieux définir la portée et les limites de leurs prérogatives éthiques et professionnelles.

La presse a le devoir et la lourde responsabilité d'expliquer, d'éduquer, de sensibiliser et de dénoncer, mais dans le strict respect des règles de l'éthique et de la déontologie . Elle doit privilégier les faits, pour ne pas tomber dans les abus, et dissocier le bien du mauvais, le vrai du faux .

Cet ouvrage fruit de la réflexion commune vise à faire connaître aux professionnels, le rôle et l'utilité du service public, les amener à se conformer aux dispositions administratives, juridiques et réglementaires, mais surtout à faire naître et à développer l'esprit d'exhaustivité, la rigueur, l'honnêteté, en somme, l'amour du travail bien fait.

Pendant longtemps et encore aujourd'hui, très peu de journalistes sont imprégnés des textes relatifs à l'éthique et à la déontologie. Pire, certains journalistes ne s'intéressent que peu ou pas du tout à ce qui est pourtant fondamental à l'exercice de leur métier.

Les journalistes sont parfois plus prompts à écrire n'importe quoi en bafouant les textes qui régissent le monde de la communication ; ils se transforment en zélateurs plus prompts à prendre les dessous des tables ; à soigner leur carrière politico-professionnelle qu'à jouer le rôle pour lequel ils ont été formés.

Obnubilés par l'esprit du gain, ils ne respectent aucune loi et vont au-delà de la limite que leur octroient la liberté de la presse et ses principes.

Traitement partisan, partiel, incomplet de l'information ; diffamation ; injure ; diffusion des fausses nouvelles ; aliénation aux pouvoirs politiques, économiques, religieux ; racket ; chantage ; menace ; non confraternité ; lynchage médiatique ; montages télévisuels ; exacerbation des haines ethniques, religieuses ; publicité déguisée , etc, voilà autant des tares dont souffre la presse nigérienne dans son ensemble
Conséquence, le Journaliste perd de plus en plus de crédibilité et la presse au service d'une information citoyenne cède la place, malgré sa diversité, à une presse de conflits suicidaires. Ce, à cause d'une certaine pratique du journalisme.

En effet, fonctionnaire d'Etat ferré à une information monolithique façonnée par plusieurs décennies de parti unique ou de régime d'exception, militants, activistes, jeunes diplômés devenus à la faveur du processus démocratique spécialistes d'information "partiale, partielle et partisane", les journalistes nigériens sont tous logés à la même enseigne : non crédibles !

Quelles qu'en soient les motivations : la promotion à tout prix, l'élargissement de l'assiette des revenus, la quête de subsistance, des intérêts partisans...au détriment du droit du public à l'information, une information saine, vivifiante .
Se pose alors la question de comment parvenir à une indépendance rédactionnelle ?

Les textes juridiques et institutionnels

Quels sont les principaux textes auxquels les journalistes doivent faire attention dans l'exercice de leur profession, s'ils veulent parvenir à une véritable indépendance rédactionnelle, c'est-à-dire être un chevalier de la plume, sans crainte ni reproche, capable de travailler sereinement quel que soit l'organe d'information où il se trouve ?

Dans cet objectif, la première démarche pour quelqu'un qui voyage dans la jungle, c'est de savoir distinguer les lianes des boas, c'est-à-dire connaître les principaux textes qui feront de vous un journaliste éternellement libre ou un éventuel prisonnier.

La charte des journalistes: C'est une convention, une garantie collective qui lie les journalistes adhérents. En plus de l'éthique et de la déontologie, elle intègre parfois, à côté des normes universelles, des spécificités nationales. Exemple : la charte des journalistes du Niger (Voir annexes).

Le service public : C'est un rôle dévolu aux médias publics et privés dans la promotion de l'intérêt général à travers l'information, la sensibilisation, la distraction.

II. Quelques repères:

Contestées par certains journalistes ou soutenues par d'autres, l'éthique et la déontologie sont codifiées ou orales dans les rédactions, les organisations socioprofessionnelles, les textes de loi nationaux...

Exemple :«Un journaliste détient un dossier explosif et compromettant pour d'influentes personnalités de son pays. Celles-ci lui laisse le choix entre une enveloppe confortable de 50 millions, ou la mort dans des conditions mystérieuses. Refuser l'enveloppe relève de la déontologie. Mais publier le dossier, ce choix suicidaire, solitaire et dangereux ne relève-t-il pas de l'éthique ?»

1 - Au plan régional et international

· Dans les rédactions et les médias

Pour le journal sénégalais Walfadjri, la préférence est accordée à la version non écrite, c'est-à-dire à une approche "orale" du code de déontologie. La raison de choix tient au fait que «... dans une maison modeste comme la nôtre, où la rédaction, avec une vingtaine de personnes, tient autour d'une table, on a adopté une forme de thérapie collective qui consiste à toujours poser le débat, quand un problème de respect de l'éthique et de la déontologie surgit.
Sans formalisme aucun, sans avoir aussi l'air de monter un tribunal inquisitorial. Le journaliste qui refuse, pendant ses reportages, un dessous de table ou une enveloppe consistante qu'on lui aurait remise pour "prendre le taxi, en fait une anecdote qui est en même temps une leçon pour tout le monde. Cela a toujours valeur d'exemple et de rappel des principes en vigueur. Dans les cas d'un manquement professionnel, la critique se fait aussi en réunion de rédaction, devant tout le monde. C'est en cas de faute avérée, nous n'hésitons pas à sanctionner». (Mouhamidou Tidiane Kasse de Walfadjri lors d'un colloque sur Ethique et déontologie tenu au Ghana en 1996).

D'autres rédactions ou médias ont opté pour le code déontologique écrit. C'est le cas du journal Ouest-France, de La nouvelle République du Centre. Tout journaliste recruté dans ces organes signe la charte du Journal en même temps que son contrat de travail.

· Au sein des organisations socioprofessionnelles nationales et internationales

· La charte du Syndicat national des Journalistes de France de 1918 révisée en 1999 ;

· La déclaration de principe de la Fédération Internationale des Journalistes de 1954 ;

· La charte européenne de Munich de 1971 ;

· Le manifeste pour une culture démocratique des médias approuvé au 21è Congrès de la FIJ en 1992.

Toutes ces initiatives visent à assurer l'honnêteté et la modération dans l'information, à lutter contre la corruption, à protéger les sources d'information, à éviter l'intrusion dans la vie privée des personnes, à garantir la présomption d'innocence des personnes poursuivies devant les tribunaux...
Cependant, les codes de déontologie n'ont jamais reçu l'agrément des pouvoirs publics et très peu de sanctions ont été infligées aux auteurs de manquements professionnels.

2 - Au plan national

· Le cadre institutionnel et juridique

Depuis la première loi nigérienne portant sur la liberté de la presse (le décret N° 59-137 du 21 juillet 1959, amendé par la loi 72-24 du 26 avril 1974 et complétée par le décret 77-13 du 21 juillet 1977) à celle N ° 99-67 du 20 décembre 1999, en passant par la loi du 18 juillet 1997, le législateur a accordé une attention particulière à la déontologie, avec comme préoccupation majeure : protéger les particuliers contre les attaques personnelles et garantir aux citoyens "la liberté de pensée, d'opinion, d'expression et conscience, de religion et de culte, tout en assurant l'accès à l'information».

Malheureusement, ces lois et décrets, à cause de certaines de leurs dispositions répressives en matière de déontologie, ont constitué des obstacles à l'exercice du métier de journaliste.

L'avènement du processus démocratique amènera les journalistes nigériens à adopter une charte aux Etats généraux de la Communication en 1992. Les dispositions finales stipulent que: "Reconnaissant le droit du Niger, le journaliste n'accepte en matière professionnelle, que de juridiction le Conseil de presse, à l'exclusion de toute intrusion gouvernementale".

Et pour la première fois dans l'histoire du journalisme, les pouvoirs publics, à travers le Conseil Supérieur de la Communication auquel est rattaché le Conseil de Presse, reconnaissaient une charte des journalistes. Malheureusement, l'option du Conseil de Presse, pour des raisons diverses, n'a pas réussi à endiguer les flots de manquements à la déontologie. La loi en vigueur sur le CSC a supprimé le Conseil de Presse.
Une nouvelle initiative, portée par le Syndicat des Agents de l'Information (SAINFO) et l'Union des Journalistes de la presse privée nigérienne, a vu le jour et matérialisée par le Centre indépendant des Médias, de l'éthique et de la déontologie (CIMED).

Mais, l'espoir suscité par ce cadre fédérateur qui aurait dû prendre en charge les questions de déontologie pour redorer l'image de la profession, a sombré dans la léthargie.

Les difficultés de la presse nigérienne sont connues : coût d'impression élevé, lectorat faible, journalistes mal payés ou pas du tout, insuffisance de formation, des dispositions assez répressives de la loi sur la liberté de presse....

Ces obstacles doivent-ils justifier la marginalisation voire le mépris du service public ; le traitement professionnel des activités des partis politiques et de la société civile ?

Assurément non ! Les médias ont certes besoin des moyens pour fonctionner. Et les journalistes doivent vivre de leur profession sans aucune compromission. Mais lorsqu'on demande de l'argent pour faire venir nos enfants et nos femmes pour se faire vacciner ; lorsqu'on pratique la censure des images de ceux qui refusent de passer à la caisse ; lorsque pour vulgariser des techniques et des gestes simples pour lutter contre la pauvreté, on exige d'être payé, il y a là un problème de responsabilité sociale du journaliste et de mission public des médias.

Alors que faire pour promouvoir une information au service de la démocratie, du respect des droits de l'homme en vue d'un développement durable ?

Nous vous proposons deux modèles qui pourront aider dans la recherche des solutions aux problèmes éthiques et déontologiques :

Le premier modèle est proposé par Lou Hodges, un journal américain spécialiste en éthique :
1. Qu'est-ce qui est en jeu ici ?
2. Suis-je en possession de tous les fait importants ?
3. Quelles sont les possibles voies auxquelles je peux recourir pour agir ?
4. Quelles sont les conséquences possibles de chaque type d'intervention ?
5. Quel est le type d'intervention relativement meilleure ?

Le deuxième modèle est celui suggéré par Joan Byrd, le défenseur des lecteurs du Washington Post.
1. Etait-il correcte de transmettre cette information ?
2. Que savons-nous et comment le savons-nous ?
3. Qui sont les sources et quels sont les intérêts qui sont en jeu ?
4. L'information a-t-elle été vérifiée ?
5. Est-il raisonnable de déterminer la vérité en se basant sur ce que nous savons, ou ne connaissons-nous rien d'autre que quelques faits ?
6.Cette histoire aura-t-elle un impact ? de quel type ?

Le résultat final auquel vous parviendrez vous permettra de juger et de mieux apprécier les conséquences négatives ou les retombées positives d'une éventuelle publication de notre article ou de la diffusion de notre émission.

Il reste que la réhabilitation sociale et professionnelle du journaliste nigérien indispensable à une éthique et une déontologie au service de l'intérêt général doit mobiliser tout un chacun.

Stendhal disait : "le roman est un miroir de la société". Pour le paraphraser, nous dirons que le journal est un reflet de la société. De fait, ils sont nombreux ceux qui se précipitent pour acheter les journaux qu'ils décrient. Ils sont aussi nombreux ceux-là qui crient haro sur les journalistes et qui ne tardent pas à utiliser tous les moyens pour les utiliser pour régler des affaires privées ou politiques. Et pour caricaturer les propos d'un célèbre homme politique, "les peuples ont les journaux qu'ils méritent".

Pour inverser la tendance, il faut agir et vite. Il s'agira de :

· Encourager les rédactions à inscrire dans leur priorité les questions d'éthique et de déontologie

· Dynamiser le CIMED pour qu'il joue efficacement son rôle d'autorégulation

· Renforcer la formation des journalistes en qualité

· Reconnaître le rôle social du journaliste et créer les conditions nécessaires lui permettant d'assurer cette mission

· Prendre toutes les dispositions juridiques, financières et fiscales en vue d'assurer l'environnement économique des entreprises de presse

· Augmenter et libérer le fonds d'aide à la presse

· Doter les médias publics des moyens conséquents conformes à leur mission

· Rendre obligatoire la carte d'identité professionnelle de journaliste pour l'exercice du métier

· Elaborer et faire appliquer une convention collective pour mieux sécuriser les journalistes

· Développer un esprit de solidarité entre les journalistes et les organisations socioprofessionnelles des médias

· Renforcer les capacités institutionnelles des organisations socioprofessionnelles.

PRINCIPES DE LA LIBERTE DE LA PRESSE 1959 A 1999

· La Liberté de la Presse

C'est le droit de véhiculer des idées et des pensées ; des informations à travers le Journal, la radio, la télévision. Sous réserve du respect des limites fixées par la loi.

· Un droit inaliénable (Information)

C'est un droit que l'on ne peut ni vendre ni acheter.

· Loi de 1959 (21 Juillet)

Elle parle de liberté de presse, pas de liberté de la presse. Le Journaliste peut créer un journal, mais en a-t-il les possibilités ?

· Loi de 1974 (6 Avril)

Elle n'apporte pas de changements positifs à celle de 1959. Elle se révèle répressive et donne plein pouvoir à l'administration pour surveiller la Presse.

· Ordonnance de 1977 (21 Juillet)

Elle aura l'avantage de réglementer la profession. Le journaliste pouvait jouir d'une carte de Presse. L'innovation vient du fait que le journaliste est tenue au secret professionnel.

· Loi du 29 Mars 1993

Elle détermina clairement le statut du journaliste. Elle proclame que l'audiovisuel est libre. Elle fait voler en éclats la main mise de l'Etat sur la Radio et la télévision.

· Loi du 26 juillet 1997

Elle se particularise par sa rigueur. Elle restreint la liberté de la Presse. Elle modifie la définition du journaliste.

Quelques illustrations de cette rigueur :

- Délit de provocation des Forces armées nigériennes (5 à 10 ans de prison sans circonstance atténuantes, sans sursis)
- Délit de publication du secret défense (2 à 5 ans)
- Protection des Correspondances administratives à usage interne
- Offense au président de la République (2 à 5 ans). Pas de sursis ou de circonstances atténuantes
- Diffusion de fausses nouvelles (2 à 5 ans)

· Loi du 20 décembre 1999

Elle allège des fortes peines et amendes de 1997. Le statut du journaliste est reconnu à toute personne qui accomplit un travail de collecte et de traitement de l'information.

· La diffamation

Elle se fonde sur des faits. C'est une allégation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération (de 100.000 F à 500.000 F d'amende. Loi 99).

· L'injure

C'est toute expression outrageante ou terme de mépris qui ne renferme l'imputation d'ancien fait. (3 à 12 mois - 10.000 F à 500.000 F d'amende)

Le traitement de l’information

Dans le domaine du journalisme, le traitement de l’information constitue l’étape la plus importante de la phase rédactionnelle. C’est elle qui suscite l’adhésion des publics aux produits des médias ou crée, au contraire, les conditions de rupture.

Autrement dit, plus l’information est traitée et bien traitée, plus elle attire les lecteurs pour lesquels elle doit nécessairement demeurer une source constante voire permanente d’inspiration et d’intérêt..

Pour atteindre une telle finalité, il existe évidemment un certain nombre de dispositions pratiques auxquelles le rédacteur doit se soumettre s’il veut que l’objectif de son écriture s’inscrive dans la dynamique d’une information saine et crédible. En tout cas, d’une information qui incite l’homme à s’interroger sur sa propre réalité.

On ne le dira jamais assez : l’information est d’abord et avant tout une source permanente de questionnements sur soi et les autres et donc, le miroir sans tain de notre société. Cela veut dire surtout que l’information, quelle qu’elle soit, est d’essence fondamentalement sociale, mais cela veut dire encore que toute information doit être porteuse des valeurs normatives de nos cultures différentes et nettement différenciées ou, au besoin, servir de support à toutes nos charges émotives : par exemple, notre combat pour la vie, nos amours, nos angoisses, etc.

2 – DES DISPOSITIONS PRATIQUES

La collecte de l’information reste et demeure, pour le journaliste, la principale source de SAVOIR d’autant que, c’est à ce niveau, qu’il doit rechercher les différents constituants du puzzle ; vérifier les niveaux de correspondance sociale et d’impacts ; s’informer pour comprendre afin de pouvoir mieux expliquer ou justifier la pertinence du fait informatif dans son objectivité fonctionnelle, c’est-à-dire dans son rapport à l’homme et à son environnement.

La collecte peut s’opérer soit auprès des acteurs de l’actualité immédiate, soit dans les centres de documentation et d’archives, soit encore par l’observation participante. La recherche documentaire est le passage obligé à la confection de tout article de presse.

3 – DE LA CONFECTION DES ARTICLES

En règle générale, on dira d’un article qu’il est bien élaboré lorsque les informations dont dispose le journaliste sont de bonne qualité et lorsque le traitement qu’il en fait, obéit aux règles de rigueur, de vigueur, de clarté et de nouveauté.

L’article le sera davantage, s’il érige effectivement l’information en centres d’intérêt pour les lecteurs, les auditeurs ou les téléspectateurs, c’est-à-dire si l’information correspond réellement aux besoins et aux attentes des différents publics.

L’approche rédactionnelle sert de liant à cette démarche puisque c’est à ce niveau que les interrogations interviennent : Que doit-on dire ? A qui le dire ? Avec quels mots le dire et pour quelle finalité ?

De la qualité des réponses à ces questions dépendra, pour une large part, les choix rédactionnels qui devront, selon le cas, donner à voir, démontrer, analyser, expliquer ou tout simplement choquer.

Même si, dans ces cas de figure, la culture générale du journaliste est nécessaire à la compréhension de l’information, il reste que la maîtrise des techniques rédactionnelles lui est tout aussi nécessaire puisque – et il importe de le souligner - l’écriture journalistique rompt systématiquement avec les principes d’une rhétorique basée sur la thèse, l’antithèse et la synthèse.

En journalisme, on écrit selon les besoins, et cette règle s’appuie sur des techniques qui, elles, s’organisent autour des genres rédactionnels qui façonnent généralement le SAVOIR-FAIRE des journalistes.

3.1.1 – Les genres mineurs

Les moutures de dépêches (brève, brève développée)
Le round-up ou papier de synthèse
Les démarcations
Le compte rendu de conférence, de débats, etc.
Le reportage : rapporter fidèlement ce que l’on a vu et entendu en privilégiant deux questions essentielles. Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

· Les événements prévus
· Les événements non prévus

3.1.2 – Les genres majeurs

Le grand reportage : le monde des hypothèses
L’enquête : le journalisme d’investigation
L’interview : la technique de l’entonnoir

· L’interview express
· L’interview-provocation

3.1.3 – Les genres de l’opinion

L’éditorial
Le commentaire
Le billet
La chronique, etc.

3.1.4 – Les genres rédactionnels qui privilégient l’écriture littéraire

Les papiers d’ambiance, d’atmosphère
Le portrait : le close-up et le portrait-cheminement
Les papiers d’humeur
Les analyses, etc.

3.2 – Les plans rédactionnels

Le plan chronologique : la relation linéaire
Le plan de la pyramide inversée : de l’essentiel au moins essentiel
Le plan de la pyramide : le privilège de l’information insolite
Le plan du retour en arrière ou flash-back


4 – DE L’ECRITURE EN JOURNALISME

Simplicité de l’écriture qui doit être cependant alerte et vigoureuse, concision et pertinence du vocabulaire ; en journalisme, toute la problématique de l’écriture gravite autour du concept de l’essentialité : une phrase, une idée ; un thème, un paragraphe.

L’ossature des articles conçue comme une partition musicale avec, selon le cas, des phrases verbales (sujet – verbe – complément) ou déverbales, s’organise autour de quatre niveaux de structuration :

a – La formulation : du lead à la chute
b – La composition : écriture en spirale et au carré
c – La progression : hiérarchies et niveaux de priorisation
d – La rationalité logique : le dispositif argumentaire

Ces différents niveaux confèrent à un article, sa cohérence et sa compréhension que la maîtrise de la grammaire et la sonorité des mots soutiennent indéfiniment à travers un judicieux dosage des temps simples présent historique, passé simple, passé composé, imparfait, futurs simple et antérieur) et, dans une moindre mesure, des temps composés.

Dans tous les cas, les articles doivent être courts (150 mots par paragraphe) et d’une très grande lisibilité, c’est-à-dire sans fioritures ni redondances.

En outre, si l’on s’en tient à la règle stricte des 5 W + H,

WHO (qui) : l’agent de l’action
WHAT (quoi): le mobile de l’action
WHEN (quand) : la durée de l’action
WHERE (où) : le lieu où se déroule l’action
WHY (pourquoi) : les conséquences de l’action
HOW (comment) : les modalités de l’action

les articles seront dénués de toute connotation politique sauf à admettre que la seule sensibilité qui prévaudra sera celle de l’auteur. De son temps déjà, Platon affirmait que «le style est à l’homme ce que l’eau est au poisson».

5 – DE LA RESPONSABILITE EN JOURNALISME

Le journalisme est un métier qui, comme tous les métiers, s’apprend. Il a ses règles et ses limites qui, bien souvent, mettent le journaliste en face à ses responsabilités sociales. Se pose alors la question essentielle de l’opportunité de la diffusion ou de la publication de certaines informations ?

CONCLUSION

L'éthique et la déontologie sont avant tout des comportements individuels avant d'être collectifs. Mais l'environnement contribue pour les façonner. Aussi, devrions-nous avoir constamment à l'esprit que la presse n'est pas au-dessus de la loi. Une presse hors-la-loi encourage l'anarchie, pire ennemie de la démocratie.
Or sans démocratie, il n'y a pas de liberté de la presse. Dès lors, pour que nous continuons à assumer notre responsabilité sociale, nous devons continuer la difficile quête de la crédibilité et de l'excellence.

LA CHARTE DES JOURNALISTES PROFESSIONNELS

(DÉLIBÉRATION N° 97-002/CSC du 4 Juillet 1997 portant adoption de la Charte des Journalistes Professionnels du Niger)

LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA COMMUNICATION,
VU la Constitution
vu l'Ordonnance N° 93-021 du 30 mars 1993, portant composition, organisation, attributions, et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Communication,
VU le Décret N° 94-160/PRN/MCCJ/S du 22 octobre 1994, portant nomination des membre du Conseil Supérieur de la Communication ;
VU la Délibération N° 95-001/CSC du 29 mars 1995, fixant le règlement intérieur du Conseil Supérieur de la Communication ;
VU le Projet de Charte des journalistes professionnels du Niger issu des états généraux de la communication tenus du 3 au 7 novembre 1992;
Après délibération de la plénière du Conseil Supérieur de la Communication

DÉCIDE:

Article Premier : La Charte des journalistes professionnels du Niger déposée auprès du Conseil Supérieur de la Communication est adoptée à compter de la date de signature de la présente délibération.

Article 2 : La présente Délibération ainsi que le texte de ladite charte seront publiés au Journal Officiel de la République du Niger.
POUR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA COMMUNICATION

PRÉAMBULE

Le droit à l'information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. Il est une composante essentielle de la démocratie au Niger.
De ce droit du public à connaître les faits et les opinions procède l'ensemble des devoirs et des droits des journalistes du Niger qui est déposée auprès du Conseil Supérieur de la Communication du Niger.

La responsabilité du journaliste vis-à-vis du public prime devant toute autre responsabilité, en 'particulier à l'égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics.

La mission d'information comprend nécessairement des limites que les journalistes nigériens eux-mêmes s'imposent dans cette Charte dans laquelle, en toute responsabilité, ils considèrent que leurs devoirs sont plus nombreux que leurs droits.

Cependant, ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l'exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l'indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées.

DEVOIRS

1 - Le journaliste doit défendre la liberté de l'information, du commentaire et de la critique.
2 - Le journaliste doit s'assurer de la véracité des faits qu'il doit rapporter sans altération.
3 - La liberté d'opinion du journaliste s'exerce dans le respect du droit du public à l'information.
Dans tous les cas, l'exactitude des faits rapportés ou commentés ne doit jamais être dénaturée par ses opinions personnelles.
4 - Le journaliste s'interdit le plagiat, la calomnie, la diffamation et les accusations sans fondements.
5 - Le journaliste ne doit user de méthodes incorrectes pour obtenir ou diffuser des informations.
6 - Le journaliste doit rectifier .toute information publiée qui se révèle inexacte.
7 - Toute information doit être identifiée comme telle en l'accompagnant des réserves qui s’imposent.
8 - Le journaliste est tenu au secret professionnel. Il ne doit pas divulguer les sources des Informations obtenues confidentiellement. Dans des cas qu’il juge exceptionnels, le journaliste peut révéler sa source à son supérieur, à condition que ce dernier soit lui-même lié par le secret professionnel. Le journaliste peut être délié du secret professionnel sur l'aveu de la source de l'information ou s'il a pu être clairement prouvé que ladite source l'avait intentionnellement induit en erreur .
9 - Le journaliste doit respecter la vie privée des personnes dès lors que celle-ci n'a pas d'incidence sur la vie collective. .
10 - Une information susceptible de jeter le discrédit sur une personne ou de l'exposer au mépris ou à la haine ne doit être publiée qu'en fonction de son intérêt public et de son importance dans la vie collective.
11 - Le journaliste doit considérer que toute personne soupçonnée, arrêtée ou accusée est présumée innocente tant qu'elle n'a pas été condamnée à la suite d'un procès juste et équitable.
12 - Le journaliste doit résister et dénoncer toute tentative de corruption. Il ne peut recevoir ou s'attendre à un quelconque avantage de la publication ou de la suppression d'une information ou d'un commentaire.
Il ne doit pas confondre son métier avec celui du publicitaire ou du propagandiste.
Il doit refuser toute consigne directe ou indirecte des annonceurs. Il ne doit pas faire la promotion ou la publicité d'un produit commercial.
Il doit défendre sa crédibilité et celle de sa profession. A cet égard, il doit éviter toute liaison avec un groupe susceptible de mettre en cause cette crédibilité.
13 - Le journaliste doit refuser toute pression et n'accepter de directive rédactionnelle que des responsables de sa rédaction.
14 - Un journaliste ne doit pas solliciter la place d'un confrère, ni provoquer son renvoi en offrant ses services contre une rémunération inférieure.

DROITS

15 - Le journaliste, dans l'exercice de ses fonctions, a droit au libre accès à toutes les sources d'information. Aucune mesure ne peut restreindre ce droit sauf dans des cas exceptionnels et en vertu de motifs clairement exprimés.
16 - Le journaliste, dans le cadre de son travail, a le droit de faire appel à toute personne qu'il juge compétente pour analyser ou commenter un événement de portée locale ou internationale.
17 - Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience.
18 - Le journaliste n'est pas responsable des propos tenus directement par une tierce personne.

DISPOSITION FINALE :

Un journaliste digne de ce nom se fait un devoir d'observer strictement les principes énoncés dans cette Charte des journalistes professionnels du Niger:

Reconnaissant le droit du Niger, le journaliste n'accepte, en matière professionnelle. que la juridiction du Conseil Supérieur de la presse du Niger, à l'exclusion de toute intrusion gouvernementale.