Communiqué de l'Observatoire français des médias
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Les principaux syndicats (CFDT, SNJ, CFTC, SNRT-CGT et SNJ-CGT) des chaînes publiques s'élèvent lundi dans un communiqué contre le projet gouvernemental de chaîne française d'information internationale (CII) gérée conjointement par le holding public France Télévisions et le groupe privé TF1.
Ces syndicats, qui représentent les journalistes et les techniciens de France 2, France 3, France 5, CFI, RFO, RFI, TV5 et Euronews, considèrent que le projet actuel, initié par le député UMP Bernard Brochand, aboutira à un "démantèlement programmé de l'audiovisuel public".
Il s'agit, selon eux, d'une "construction contre nature qui transfère l'argent public au profit de TF1, torpillant ainsi le financement du service public".
Les syndicats relèvent notamment que les contribuables français seront privés de cette chaîne pour ne pas concurrencer la chaîne française d'information LCI, contrôlée par TF1.
Ils soulignent que les dépassement budgétaires éventuels de la CII "seront financés par les sociétés de l'audiovisuel public" et que les textes qui régissent le personnel des chaînes publiques peuvent "être remis en cause par cette cohabitation inédite de personnels du public et du privé".
"Le rapport Brochand doit être combattu et rejeté", affirment en conclusion les syndicats signataires.
Ce communiqué est publié à la veille d'un débat parlementaire sur l'audiovisuel et la presse prévu mardi à l'Assemblée nationale, au cours duquel le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon doit prendre la parole.
Les organisations syndicales, précise le communiqué, "feront entendre leur voix" lors de ce débat, au sein d'une large délégation intersyndicale , "première étape de la mobilisation".
Observatoire français des médias (OFM):
Communiqué sur la Chaîne internationale d’information (CII)
Le président de la République a souhaité la création d’une chaîne internationale d’information, d’une CNN à la française. L’idée est séduisante de concurrencer l’information “ made in USA ” et de donner au monde une autre vision de son état et de son évolution.
Alors que l’Assemblée nationale avait créé un groupe de travail pour étudier la faisabilité d’une telle chaîne, l’Elysée, de son côté, missionnait un député de l’UMP, Bernard Brochand, maire de Cannes et ancien publicitaire. Aujourd’hui, les raisons de ce choix élyséen éclatent au grand jour : la CII ne sera pas une chaîne publique. Elle sera confiée à une structure privée associant TF1 et France télévisions, et échappant à la tutelle du CSA. Son président sera désigné d’un commun accord par les actionnaires ; elle ne sera pas visible en France pour ne pas concurrencer LCI. Son budget étant modeste (et irréaliste), M. Brochand propose de créer un club de partenaires, gros annonceurs, ayant accès au conseil d’administration, et disposant donc un droit de regard sur les destinées d’une chaîne au contenu éditorial sensible. Enfin, pour dégager des crédits, le rapport du
député dela majorité préconise curieusement l’arrêt des structures propres d’information de TV5 et d’Arte pour les mettre à la disposition de la CII.
Les pouvoirs publics préparent clairement un “ remake ” de la création du bouquet de chaînes par satellite TPS. Celui-ci, à sa création, associait également TF1 et le service public. Aujourd’hui, après que France télévisions eut supporté l’essentiel du budget de lancement, le service public a été prié de se retirer et de laisser la conduite de TPS à TF1, dès lors que l’équilibre en était assuré.
Aujourd’hui, M. Le Lay, le président de TF1, claironne sans retenue qu’il ne mettra pas d’argent dans la CII, mais qu’il en maîtrisera la direction éditoriale. Comment peut-on laisser une filiale du groupe Bouygues, lié par contrat à de (trop) nombreux gouvernements antidémocratiques, contrôler l’information internationale à la “ française ”.
En outre, le montage préconisé par le rapport Brochand est choquant : peut-on imaginer une chaîne payée par le contribuable français mais invisible sur le territoire national. L’aide apportée par les pouvoirs publics au secteur audiovisuel du groupe Bouygues pose un véritable problème de démocratie. L’audience de TF1 connaissant une érosion constante, le groupe cherche des solutions pour asseoir son développement et assurer sa pérennité. Ses tentatives de rachat d’une partie du groupe allemand Kirch en faillite ayant échoué, le gouvernement français lui vient en aide en lui offrant une chaîne lui donnant une dimension internationale.
Pour l’Observatoire français des médias (OFM), la CII ne peut être qu’une chaîne publique, associant toutes les composantes de l’audiovisuel public (télévision et radio) et de l’AFP, dont les potentiels sont sans équivalent dans le monde. Le gouvernement doit abandonner le rapport Brochand et étudier les solutions préconisées par l’Assemblée nationale et par les personnels du service public.
OFM, Paris, 12 janvier 2004