Declaration du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) à l'occasion de la célébration de la journée internationale de la liberté de presse le 03 mai 2003

Au moment où la communauté internationale fête la journée internationale de la liberté de presse, le Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) porte à l'attention de l'opinion nationale et internationale et du gouvernement camerounais la situation sociale préoccupante des journalistes camerounais qui, au plan social, évoluent encore dans un " désert juridique ".

Ainsi, en l'absence d'une convention collective des journalistes au Cameroun ou d'une législation quelconque régissant les conditions de vie et de travail des journalistes - contrairement à tous les pays " du même niveau " comme la Côte d'Ivoire et du Sénégal -, les entreprises de presse évoluent en marge du code du travail en vigueur, au grand dam du journaliste, travailleur au noir très souvent mal payé, non assuré, qui apparaît dès lors comme l'un des employés les plus méprisés de l'échiquier.

" En résumé, explique à ce sujet un rapport du SNJC adressé à la Fédération internationale des Journalistes (Fij) décrivant la situation, aucune loi relative aux rapports patrons/employés n'y est, à ce jour, respectée : " c'est un monde à part ". L'institution du contrat de travail y est galvaudée. Il n'en existe pas souvent ou presque. C'est également le cas d'institutions obligatoires comme les bulletins de salaires, les congés annuels, la couverture sociale et la retraite. Les autres dispositions légales relatives aux accidents de travail, aux maladies professionnelles et autres risques du métier sont ignorés. Il en est de même de l'observation du temps hebdomadaire du travail, de la rémunération du travail de nuit ou de la récupération des week-ends et jours fériés.

La presse camerounaise se montre peu favorable à toute organisation moderne du travail. La formation professionnelle continue, connue sous d'autres cieux, est réservée au bon vouloir du directeur de publication qui, à défaut de proposer les mieux servants de ses employés, se forme lui-même à tous les coups bien que n'ayant pas d'apport réel dans les colonnes. Comités d'entreprises, représentants syndicaux et délégués du personnel sont méconnus. On risque le licenciement en faisant le syndicaliste.

Dans cette presse, des pratiques anti-journalistiques se sont instaurées pour arrondir les fins de mois. C'est le cas du gombo et du " journalisme du Hilton " ou de la " Rue Mermoz " qui naissent des conditions de vie et de travail misérables dans la centaine de titres que compte la presse locale (entre janvier 1991 et juin 1993) (...).

Le gombo, phénomène fort célèbre au Cameroun, réputé pour sa corruption, est une pratique consistant pour un informateur voulant manipuler l'opinion en sa faveur, à devenir, contre de ridicules subsides, un commanditaire de la publication d'une information qui ne sera pas recoupée pour les besoins de la cause. Le phénomène [consacre en fait] une forme de mendicité du journaliste. "

Le SNJC est d'autant plus inquiet de l'omerta qui, depuis des années, entoure la condition angoissante du journaliste camerounais, dont les répercussions sur la qualité de son travail et son indépendance sont pourtant évidentes.

Après la suppression de la censure administrative au Cameroun, le gouvernement n'est intervenu dans l'activité de la presse indépendante que pour fiscaliser ses substantielles recettes publicitaires, abandonnant à leur sort les journalistes qui ne peuvent envisager de prendre leur retraite dans ce métier parce qu'ils ne sont pas, pour l'essentiel, immatriculés à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), la caisse de retraite et de sécurité sociale locale.

Le SNJC considère cet état de chose comme une entrave très grave à la liberté de la presse au Cameroun, au postulat de l'indépendance du journaliste et à son devenir ; il prend à témoins à cet effet l'opinion nationale et internationale.

Conscient de la sollicitude habituelle de la communauté internationale et nationale sur toutes les questions relatives à la liberté de la presse, le SNJC en appelle, en ce jour mémorable, à une action urgente en vue de la mise en oeuvre d'un véritable cadre législatif et réglementaire - en l'occurrence, une convention collective des journalistes - pour régir les rapports éditeurs/journalistes de la presse camerounaise.

Le président du SNJC Jean Marc SOBOTH