Edito: Le journalisme de demain sans les idées d’hier

[Translate to French:] Credits: IFJ / Nathana Rebouças

Depuis 1926 et la création de la FIJ, il y a toujours eu une bonne raison de penser l’avenir du journalisme, et cette raison est le plus souvent liée à une crise économique ou à un tournant technologique. La pandémie du Covid-19 est un événement sans précédent dans nos sociétés, avec des conséquences sociales et économiques que nous ne mesurons pas encore. La FIJ est déjà tournée vers demain.

L’avenir du journalisme ne se pose pas, il s’impose à nous. Partout dans le monde, les experts ont promis que la crise du Covid-19, qui a paralysé près de 4 milliards de citoyens dans le monde, changera radicalement nos modes de vie, notre façon de penser, de nous nourrir, de nous comporter. Avec, en premier lieu, un plan d’avenir ambitieux qui doit sauver la planète.

Mais il semble que toutes ces bonnes résolutions soient déjà ignorées alors que beaucoup de régions touchées se déconfinent : l’économie inégalitaire et sans visage reprend sa place de pilote unique du quotidien ; les violences sociales, jusqu’ici confinées, se multiplient partout dans le monde ; et le climat, qui a connu un court répit de trois mois, devra encore attendre avant qu’un accord mondial soit conclu.

Face à ce constat, la FIJ a dès le départ décidé de regimber, de préparer l’avenir et n’a pas attendu les grands discours sans lendemain pour bâtir un véritable plan de relance pour le secteur des médias en  publiant sa Plateforme mondiale pour un journalisme de qualité et en la mettant à la disposition de la profession.

Ce document, devenu une référence, a reçu le soutien immédiat de l’ensemble des fédérations mondiales de travailleurs, représentant plusieurs centaines de millions de membres, et aussi celui de nos affiliés dans le monde.

La mesure la plus significative de cette Plateforme est sans conteste la création d’une taxe sur les revenus générés sur les territoires nationaux par les grandes plateformes numériques. Ces revenus ne se limitent d’ailleurs pas seulement à ceux générés par les GAFAM, qui ont pourtant très largement profité de la crise mondiale pour engranger toujours plus de profits. L’an dernier, ces profits étaient estimés à plus de 900 milliards de dollars. Il ne s’agit pas d’un impôt infondé, mais bien juste d’un retour vers la source, le financement d’un journalisme indépendant et de qualité qui permet le maintien d’une véritable démocratie, et ce partout dans le monde. 

C’est un nouveau modèle économique. L’avenir du journalisme ne pourra pas s’imaginer sans et il doit d’abord bénéficier aux journalistes, qui, rappelons-le, doivent travailler en toute sécurité, s’appuyer sur la Charte d’éthique mondiale de la FIJ et être rémunérés décemment.

La FIJ a appelé l’ensemble de ses groupes régionaux et ses affiliés à ouvrir des négociations avec les gouvernements et les représentants de ces grandes plateformes numériques, Google et Facebook en premier chef, qui ne paient aucun impôt sur les différents territoires nationaux, mais continuent malgré tout d’ y générer des profits scandaleux.

Le plan de relance de la FIJ pour un journalisme de qualité propose donc un nouveau financement du journalisme qui doit être accompagné d’un soutien politique ambitieux afin de revitaliser les rédactions et les journalistes professionnels (pigistes et free-lances inclus).

La FIJ exige que le produit de cette taxe sur les géants numériques puisse bénéficier aux médias de service public, aux médias privés et aux médias nationaux et locaux à condition que ces entreprises respectent le dialogue social et le droit syndical, conformément aux conventions de l’OIT ; ne licencient pas si l’entreprise dégage des bénéfices ; rendent les comptes annuels publics et transparents; ou exigent le respect de la diversité et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Les défis de la Fédération internationale des journalistes sont nombreux pour notre profession. La FIJ, seule, ne peut tout entreprendre et doit pouvoir compter sur  le soutien de tous ses membres, désireux de plus de justice et d’équité sociales.

L’information ne doit jamais être confinée. L’information doit rester un bien public.

Il n’est pas question de préparer le monde de demain avec les idées d’hier.

C’est aussi la responsabilité sociale des journalistes et des syndicalistes.

 

Anthony BELLANGER

Secrétaire général